Il y a 47 ans, le 25 Janvier 1971, notre pays fut le théâtre d’exécutions macabres sur toute l’étendue du territoire. Conscients des effets dévastateurs que ces assassinats et ceux de la chaine du gouvernement par complot du PDG ont sur l’histoire de notre nation, les membres et sympathisants de l’Association des victimes du Camp Boiro (AVCB) invitent la nation à se remémorer de cette page sombre de notre histoire.
Suite à l’attaque du 22 Novembre 1970 par des troupes coloniales portugaises pour libérer des prisonniers détenus par le PAIGC, une commission d’enquêtes dirigée par Mr. Alhassane Diop, alors ministre des Postes et Télécommunications, fut mise en place. La commission conclut que l’attaque avait utilisé la couverture d’opposants guinéens exilés. Mais qu’il n’y avait pas eu de complicités internes. Sékou Touré en personne avait annoncé que la Guinée était attaquée par des troupes colonialistes. Il avait demandé l’intervention des casques bleus de l’ONU. De sérieuses présomptions montrent que Sékou Touré était au courant de l’attaque. En effet, peu de jours avant le débarquement, les prisonniers détenus par le PAIGC avaient été transférés des prisons de l’intérieur du pays à Conakry, pour être plus accessibles à une attaque venant de la mer. Ce transfert avait été fait sans consultation du leader PAIGC de l’époque, Amilcar Cabral qui était absent de Conakry. Certains prisonniers étaient à l’hôpital Donka. Il est utile de rappeler que les troupes portugaises étaient au courant de leur localisation précise et les récupéreront sans difficultés.
Les forces de sécurité guinéennes avaient été mises en déroute par les assaillants. En effet, suite aux purges sanglantes de 1969 notamment, l’armée guinéenne était quasi-inopérante. La milice nationale que le PDG avait mise en place pour contrer l’armée, n’avait aucune formation militaire sérieuse. Elle était surtout spécialisée dans la délation, la prévarication et les provocations. Mais l’annonce d’une attaque étrangère avait indigné les guinéens. Les populations et plusieurs cadres du gouvernement se levèrent pour défendre leur pays malgré l’impopularité du régime. Parmi eux, on peut citer Barry III et Alhassane Diop qui organisèrent tant bien que mal la riposte.
Le conseil de sécurité de l’ONU tint une session extraordinaire pour condamner l’attaque portugaise. L’OUA, avec à sa tête Diallo Telli, fit de même. Une fois assuré du soutien international, Sékou Touré changea le ton. Il déclara le 8 Décembre 1970 que des réseaux de complicité existaient à l’intérieur du pays. La commission d’enquêtes dirigée par Alhassane Diop fut dissoute. Alassane Diop est sommé d’aller se reposer en Bulgarie. Sékou Touré nomme une deuxième commission d’enquêtes dirigée par son demi-frère, Ismaël Touré. Au bout de 24 heures, Ismaël conclut que l’attaque avait bénéficié de complicités à tous les niveaux de l’administration du parti et de l’Etat. Il accusa Alhassane Diop lui-même d’en faire partie en dépit des nombreux témoignages indiquant que ce dernier avait placé des miliciens sur différents endroits clés de Conakry pour faire face aux envahisseurs. Alhassane Diop sera arrêté et fera des aveux sous la torture. Il ne sera libéré que dix ans plus tard, grâce à l’intervention du président sénégalais, Léopold Sédar Senghor à la condition qu’il garde le silence sur les événements dont il fut un témoin clé.
Ainsi se poursuivra l’exécution d’un plan prémédité d’arrestations massives, de parodies de justice et d’exécutions sommaires en violation des règles les plus primaires de droit et d’humanisme. La prétendue « instruction judiciaire » des dossiers sur des accusations de graves crimes de complicité de guerre ne dura que 58 jours. Elle consista à des « aveux » arrachés par les tortures et la famine. En même temps, le PDG engagea des campagnes contre les personnes arrêtées avec des slogans de « traitres », de « mercenaires », « d’apatrides ». Les campagnes étaient relayées jour et nuit par l’unique radio du parti. L’appareil judiciaire – avec toutes ses règles – fut mis à l’écart des enquêtes et de l’instruction. Les instances du parti furent érigées en « tribunaux populaires ». Elles encouragèrent la délation et des règlements de compte anonymes. Les accusés étaient jugés en leur absence dans tout le pays – sans égard de lieux des prétendus crimes – par des acclamations publiques des foules chauffées à blanc par les incessantes et hystériques campagnes médiatiques.
Le 25 Janvier 1971, des cadres connus pour leur probité morale et politique furent pendus à Conakry en plein centre-ville : Barry III, Baldet Ousmane, Magassouba Moriba et Keita Kara de Soufiana. Chacune des trente régions de la nation reçut un lot de deux personnes à pendre. L’identité de certaines de ces victimes reste encore inconnue. Le PDG déchaîna des instincts de barbarie jusque-là inimaginables dans nos sociétés. Les foules furent incitées à mutiler les corps des victimes, dans une atmosphère d’hystérie dénuée des formes élémentaires de décence morale et accompagnée de chansons improvisées. Les familles ne seront jamais notifiées des lieux d’enterrement des victimes. Elles furent soumises à des menaces et à des chantages au silence. Leurs biens furent volés par les dignitaires du parti. Certains de ces biens n’ont toujours pas été restitués à leurs légitimes ayant-droits.
Suite aux exécutions du 25 Janvier 1971, le régime marqua une pause de quelques mois avant d’engager d’autres purges qui culmineront le 18 Octobre 1971 et verront l’extermination de l’élite guinéenne et la soumission des populations à une psychose de peurs et de tourmentes.
Les douleurs accumulées et non gérées de la terreur du PDG planent sur notre nation. Le refus de les confronter par les gouvernements successifs met la cohésion de notre nation en danger. Il engendre un déficit citoyen incompatible avec la démocratie que souhaitent les populations de notre pays.
En ce jour de mémoire, notre association en appelle à tous les guinéens épris de justice pour exiger la restauration de la vérité historique et l’éradication du silence coupable des dirigeants. Nous demandons au gouvernement guinéen d’engager des efforts sérieux pour que cette époque de notre histoire soit éclairée. Au premier chef, il doit abandonner la réhabilitation déguisée de Sékou Touré à laquelle il se livre pour des gains ethniques éhontés.
Nous invitons tous les leaders politiques et de la société civile à se joindre à cette lutte indispensable pour que la démocratie prenne pied dans notre pays. Toute hésitation de leur part dans cet effort ruinera le message de changement qu’ils prônent.
Nous encourageons la société civile à veiller à ce devoir de mémoire dont dépend le salut de notre nation.
Nous implorons le Tout-Puissant pour qu’il accorde sa miséricorde aux nombreuses victimes du PDG et des régimes successifs en Guinée.
Nous réitérons notre engagement pour que les sacrifices ultimes des victimes de la violence politique dans notre pays soient des pierres dans la construction d’une Guinée viable et démocratique.
Le Bureau de l’AVCB.