La nouvelle constitution, adoptée par référendum le 22 mars dernier, est rentrée en vigueur sur toute l’étendue du territoire guinéen. Elle a été promulguée le 07 avril par un décret du Président Alpha Condé lu sur les ondes des médias d’État. Contre vents et marées, le pouvoir a organisé le scrutin référendaire couplé aux législatives qui a abouti sur le vote massif pour le « Oui », soit 89,76 % selon les résultats définitifs donné le 03 avril par la Cour Constitutionnelle.
Au sortir de plus de six (6) mois d’actualités tumultueuses, et après que la volonté de l’Etat soit une énième fois passée, nous pouvons tirer sept (7) principaux enseignements à savoir :
Premièrement, les sacrifices consentis pour la défense de la constitution de 2010 n’ont pas servis à grand-chose. Toutes ces personnes sont encore une fois tombées pour rien : rien qu’entre octobre 2019 et avril 2020, pas moins de dix (10) personnes ont perdu la vie suite aux protestations contre le projet de changement constitutionnel et tout porte à croire que justice ne leur sera pas rendue ici-bas ;
Deuxièmement, l’avenir de la démocratie en Guinée est sérieusement compromis. Si Alpha Condé n’a pas respecté, de gré ou de force, les intangibilités de la constitution de 2010, ce n’est pas son successeur qui se verra obligé de respecter celles de sa constitution à lui – d’autant plus que cette dernière a reproduit toutes les intangibilités de la constitution du CNT. Ce n’est qu’une question de logique !
Puisque le double scrutin du 22 mars a remis en cause toutes les avancées démocratiques obtenues, il reste désormais à méditer sur comment faire pour consolider et pérenniser les acquis de la longue lutte pour la démocratie et l’état de droit en Guinée ;
Troisièmement, la cohabitation pacifique et l’unité nationale ont à nouveau reçu de sérieux coups puisque au lieu d’être un conflit d’idées, la lutte s’est glissée sur le terrain communautaire en mettant en face-à-face malinkés et peulhs, d’une part, et guerzés et koniakés, d’autre part ;
Quatrièmement, les populations ont à nouveau perdu confiance en leurs forces de défense et de sécurité qui pourtant sont présentées ces derniers temps comme 《restructurées》. Les images de bavures policières qui ont fait les choux gras des internautes guinéens ces derniers temps ont montré un système de maintien d’ordre à totalement rebâtir ;
Cinquièmement, contrairement à ce qu’on était en train de croire, la violence n’est pas encore proscrite des méthodes de protestation en Guinée. Elle reste d’ailleurs une méthode très prisée que ce soit par les manifestants ou les forces de l’ordre ;
Sixièmement, la communauté internationale a manqué à une étape importante de l’évolution sociopolitique de la Guinée. En refusant d’accompagner le processus, même en tant qu’observateur, elle a perdu le privilège de voir par elle-même ce qui s’est réellement passé sur le terrain la semaine du 22 mars et celle d’après. Elle aura donc du mal à apprécier objectivement les faits. Car les infos relayées par les deux camps, à savoir les pros et anti-nouvelle constitution, n’étaient toujours pas fiables et le dernier rampart contre ces fakenews devrait être la presse, sauf que celle-ci non plus n’était pas tout à fait impartiale.
Et septièmement enfin, contrairement à ce que pensaient de nombreux observateurs, les exigences de l’UFDG et de l’opposition républicaine en général, peuvent être ignorées par le pouvoir et que le recours à la rue ne fasse pas d’effet sur l’entêtement d’Alpha Condé a doter le pays d’une nouvelle et, peut-être, à briguer un troisième mandat.
Le référendum du 22 mars dernier qui était le 4ème du genre dans l’histoire politique de la Guinée, après ceux de 1958, 1990 et 2003, vient redessiner la carte de l’avenir politique de la Guinée. Le pays saura-t-il reprendre sa marche vers la démocratie et l’état de droit ? Ou resombrebra-t-il dans la dictature qu’il a vécu durant le premier demi-siècle de son indépendance ? Seul le temps nous édifiera. Affaire à suivre !
Karfala Aminata Condé
Analyste politique et Journaliste free-lance