Depuis le lancement de la campagne électorale le 17 septembre dernier en vue de la présidentielle du 18 Octobre, on assiste à un phénomène de déchaînement des passions les plus fous, une expression des désirs les plus profonds qui altèrent notre sens de jugement. Et quand la passion et le désir dominent, surtout dans une période sensible comme les élections en Afrique, on assiste à une manifestation de la violence que ce soit dans les paroles ou dans les actes.
Dans une période comme celle-ci, l’expression de la passion et du désir, qui est celle des militants n’est pas une fin en soi, à condition qu’elle ne mette aux pas la raison.
Philosophiquement, la raison et la passion ont toujours été en dualité pour tenter de comprendre la nature profonde de l’homme. Aujourd’hui, lorsqu’on parle de la passion, on sous-entend un puissant sentiment personnel, difficilement exprimable, voire incommunicable, souvent violent, qui enivre et déstabilise la raison.
En effet, la passion, le désir, sentiments puissants, paraissent en effet déraisonnables. La passion s’oppose radicalement à la raison, comme le cœur à la tête, pour autrement parler.
Ainsi dans le contexte actuel, les sentiments, les désirs des uns de conserver le pouvoir se trouvent en opposition avec ceux des autres, qui aspirent à conquérir le pouvoir. C’est un fait naturel. Mais il ne faudrait pas que dans l’expression de ses passions, que la raison se trouve totalement écarter, sinon cette expression devient de la violence. C’est ce à quoi nous assistons en ce moment dans notre pays.
Or ce dualisme entre la passion et la raison se trouve pousser à l’extrême. D’une part, il y aurait la raison, neutre et objective, à partir de laquelle on fait appel au discernement et, de l’autre, les sentiments de nature subjective qui nous conduisent à la démesure. Le philosophe français Descartes opposait l’âme, siège de la raison, au corps, siège des passions ou des sentiments. Quand le siège des passions l’emporte sur celui de l’âme donc la raison, le corps va souffrir par le fait de la violence que les passions provoquent, parce que la passion ne serait que l’expression de sentiments ou d’émotions aveugles, déraisonnables.
Ainsi, comme dans la trilogie de la Phèdre de Platon, les candidats et les acteurs politiques doivent être des clochers qui fouettent la volonté de leurs militants (bon cheval), qui est la victoire de leur candidat, pour qu’ils fassent entendre raisons aux désirs les plus fous, aux passions les plus sombres (cheval brutal) de leurs militants en les tirant vers le haut, c’est-à-dire en les amenant à exprimer leur volonté, leur passion dans la paix et la tolérance pourque nous ayons des élections apaisées pour le bonheur de tous.
Si, pour Aristote, les passions, les désirs comportent en eux des éléments de rationalité, cependant ces éléments ne doivent pas être supérieurs au risque d’assister à une expression de la violence physique ou verbale.
Pour dire autrement que dans cette campagne présidentielle, la passion ne doit jamais avoir raison.
Par Alexandre Naïny BERETE, diplômé de sciences politiques, juriste en droit social