Après une campagne tumultueuse, répondant à l’appel du droit et du devoir de l’électeur, nous nous sommes rendus, dans le calme et la discipline, ce 18 octobre 2020, dans les bureaux de vote pour choisir celle ou celui que nous voulons pour diriger notre cher pays, la Guinée.
Cette campagne et les lendemains du vote ont, fort malheureusement, connus d’inexplicables et d’inacceptables violences graves qui ont entrainé des pertes en vies humaines, des blessures et des dégâts matériels. Rien ne peut justifier que nous nous ôtions la vie les uns et les autres, que nous nous blessions ou que nous nous attaquions aux biens des uns et des autres. Ces attitudes sont indignes de nous en tant que citoyens. Elles ne nous honorent pas en tant que responsables politiques.
Je voudrais ici m’incliner sur la mémoire de toutes les victimes de violences en priant Allah, le Tout-Puissant de les accueillir dans son paradis céleste. A tous ceux qui sont meurtris par la disparition d’un être cher, j’adresse les condoléances de la Nation. Aux blessés, je souhaite un prompt rétablissement. Enfin, à tous ceux qui ont perdu des biens, j’adresse ma compassion et mes profonds regrets. C’est toute la Nation qui en est affligée.
Cette spirale de violence ne peut plus continuer. Il y va de la survie de la Nation et de la paix dans notre pays par la lutte contre l’impunité. Je voudrais ici compter sur l’action diligente de la justice pour rechercher, trouver et condamner tous les auteurs de mort, de blessures d’hommes et de destruction de biens matériels.
De tout temps, en dehors de la politique, les Guinéens vivent bien ensemble: contrairement à leur vocation, les élections sont devenues l’étincelle qui, cycliquement, vient perturber et troubler ce paisible vivre ensemble. Les élections divisent parce que, au lieu d’être un outil citoyen de choix, elles sont, parfois et dans certains endroits, dévoyées et dénaturées en moyens de confrontation et de violence pour accéder ou conserver un pouvoir. Pourtant, nous devons poursuivre le renforcement de notre processus démocratique par le biais du respect de la reconnaissance, la mise en œuvre et la défense des droits de l’homme.
La Guinée est une famille où le dissensus dans la conquête, la conservation du pouvoir, la redistribution de la richesse nationale entre la Guinée d’en haut (élite intellectuelle, politique, administrative et financière) ébranle souvent le consensus, la quiétude de la Guinée d’en bas (Guinéens moyens, Guinéens lamda) dans la quête du quotidien et l’aspiration au bien-être. Il faut agir pour que ce dissensus ne soit pas porteur de troubles détruisant le consensus et les nobles acquis que nous avons patiemment construits depuis des années.
Citoyennes et citoyens,
Maintenant que nous nous sommes honorablement acquittés de notre part de responsabilité d’électeur qu’attendons – nous avec attention et exigence des candidats en particulier et de la classe politique dans son ensemble ?
D’abord, un sens toujours élevé de la lourde responsabilité des leaders politiques quant à leurs actes, comportements, messages et discours. Surtout, il nous faut, tous, sortir de la duplicité et de l’hypocrisie qui nous inclinent, en public, à tenir et promouvoir les discours et attitudes convenus et appropriés, alors qu’en privé, nous avons plutôt tendance à diffuser autour de nous le venin de la division ethnique, de la haine, de la rancœur, des frustrations et de l’intolérance. Nous devons bannir en nous ces poisons et nous garder de mettre en péril la paix et l’unité du pays et tout faire pour que laé » compétition politique ne débouche pas sur une confrontation ethnique.
Ensuite, en cas de contentieux, dans la sécurité et l’intérêt supérieur de la population, l’attitude républicaine commande aux candidats qu’ils recourent et se remettent aux voies légales pour faire part de leurs griefs et revendications. Les institutions en charge des élections, par un processus transparent, juste et équitable doivent, quant à elles, assurer et rassurer toutes les parties prenantes. La restauration de la confiance et de l’unité nationale passe par la compréhension et l’autorité suivant l’intangible principe, selon lequel les lois de l’Etat revêtent une valeur supérieure à celle de toute idéologie, confession religieuse ou dogme.
Indépendamment et dehors des voies légales, le dialogue et la concertation peuvent aider à sortir de la crise sans qu’on ne soit obligé de mettre en péril la paix, la stabilité et la cohésion nationale. A ce propos, il serait souhaitable que nos sages, notables et autres acteurs de la société civile envisagent des initiatives de facilitation, de rapprochement entre les parties prenantes afin de prévenir et contenir les violences.
Enfin, la paix, la sécurité et la justice ne sont pas des slogans, incantations ou invocations occasionnels. Ce sont des prérequis et comportements permanents qui permettent une solide et indestructible unité nationale avec pour socle et ferment la cohésion, l’adhésion, le sentiment d’appartenir à une nation, à une patrie de tous les citoyens unis et réunis par un indissoluble lien ombilical.
Guinéens d’en haut,
Tenants et aspirants au pouvoir,
Le Guinéen d’en bas, citoyen lamda a besoin de bien vivre régulièrement dans son pays. Il n’a ni volonté, ni moyens d’aller ailleurs. Pour cela, le commerçant, l’ouvrier, l’artisan, l’employé, l’entreprise et l’usine ont besoin de travailler. La répression, la violence, la rébellion, l’insurrection, l’arrogance, les conflits ne sauraient assurer une paix durable. Par contre, le consensus issu d’une concertation large et sincère, du dialogue, du respect mutuel, de l’observation rigoureuse des lois et règlements, le recours à des institutions fortes et impartiales, l’éducation civique demeurent un impératif catégorique pour la cohésion nationale et le vivre-ensemble.
Voilà le chantier de l’unité nationale viable et vivable que nous devons tous poursuivre et élargir, ensemble et solidairement pour la Guinée, notre bien commun à préserver.
Conakry, le 04 novembre 2020
Mamadou Taran DIALLO
Ministre de la Citoyenneté et de l’Unité Nationale