La mort nous appelle, la vie nous retient, dans l’aller et retour incessant des naissances heureuses et des décès funestes !
Mes premiers mots, pendant ce moment de recueillement dans la foi et de dignité forcée dans le chagrin, sont pour la famille éplorée. Chacun et tous ici réunis, nous devinons le désarroi profond d’une famille pétrifiée par la disparition de l’homme qui en était le pilier et l’espoir.
Nous partageons l’incompréhension d’une mort brutale, arrivée trop tôt et trop vite, une mort quasi-insensée d’un homme si plein de vie et pétri de générosité. La famille Chérif, inconsolable, peut être fière d’avoir compté en son sein un homme qui a vécu utile au niveau de tout le monde et pour tout le monde, avant de s’en aller tranquillement avec tous les honneurs d’une vie très courte, mais bien remplie et inoubliable.
Le souvenir de cette vie est son avenir désormais avec chacun d’entre nous, car il fixe le temps et la mémoire pour toujours. Ne meurent que les êtres qui n’ont vécu que pour eux-mêmes et n’ont rien accompli de leur vie, de beau et de grand. Chérif n’était pas de ceux-là dans son universalité et sa densité exceptionnelle.
La mort, disons-nous souvent, pour nous consoler de sa cruauté, fait partie de la vie, côtoie chacun de nous et demeure le rendez-vous avec tous. Mais, elle ne sera jamais la bienvenue parmi nous, parce qu’elle est infréquentable et indésirable aussi. C’est toujours une vie volée, un bonheur perdu à jamais, une étoile qui pâlit dans un ciel sombre traversé par la colère et la frustration de questions sans réponses.
Monsieur le premier Ministre,
Ici, devant vous, la dépouille de votre ami de tous les instants, de votre frère de toujours, de votre compagnon bien-aimé.
Aucun mot, ni personne ici n’a le pouvoir de dire qui était Chérif pour vous, quelle place il occupait dans votre vie. Votre amitié saine et notoire, comme elle a traversé les épreuves, traversera aussi le temps. Elle a commencé avec la vie, elle ne s’arrêtera pas avec la mort. C’est l’histoire de deux vies en une, d’un pacte de fraternité et de solidarité gravé dans des cœurs jaloux et des mémoires complices.
Moi-même, je suis orphelin d’un ami qui a beaucoup compté dans ma vie et fus pour moi un soutien discret et un allié loyal. S’il ne tenait qu’à lui, j’en suis sûr, courtois et délicat qu’il fut dans toutes les circonstances, il ne serait pas parti sans prévenir, faire ses adieux à sa famille, ses amis, à une vie qu’il a tant aimée et honorée de son infinie bonté, de son altruisme légendaire. Mais, le destin, traître et rebelle, impitoyable aussi en a décidé autrement. Dieu soit loué !
‘’ L’homme n’a point de port, le temps n’a point de rive, il coule et nous passons’’, Alphonse de Lamartine.
Au moment où notre Chérif à tous nous quitte malgré lui dans la résignation et la solitude de la mort, il éprouve, à n’en point douter, le regret de nous laisser si malheureux , lui, qui a souhaité, toute sa vie durant, le meilleur pour chacun, le bonheur pour tous dans l’union et la communion pour lesquelles il n’a eu de cesse d’œuvrer en homme de paix et de compromis, rassembleur et pacificateur, médiateur né et chevronné aussi. Hélas, mille fois hélas, La colombe du palais de la colombe ne volera plus pour personne !
Je voudrais lui dire merci, pour l’humanité qu’il a partagée avec chacun et tous, merci de nous avoir apporté souvent cette paix introuvable, merci d’avoir été pour tous, un ami, un frère, un soutien, un réconfort dans nos vies tourmentées et aléatoires, nos quotidiens toujours éprouvants et parfois insupportables. Vivre dans l’honneur et mourir dans la dignité est un destin possible pour chacun.
A bientôt mon frère que ton Dinguiraye natal pleure, que ta Guinée, si chère à toi et à nous tous, n’oubliera jamais, jamais !
Tibou Kamara