Il était 2 heures lorsque j’arrivai dans la ville, après plus de 6 heures de voyage et plus de 5 autres de galère à la gare pour m’embarquer. Il était mon seul interlocuteur dans cette ville où je séjournai pour la première fois. Nous étions en mission, lui en qualité de superviseur et moi en animatrice.
Dès ma descente du véhicule, il m’informa que l’hôtel ne dispose qu’une seule chambre disponible pour ce jour. Ne connaissant nulle part ou personne d’autre dans la ville , je ne pouvais que partager la chambre avec lui. Me basant sur son niveau intellectuel, son parcours tout en me fiant à son statut d’employé d’une grande institution, sans aucune crainte, j’acceptai.
Au beau milieu de la nuit, contre toute attente, il se jeta sur moi. Étant plus fort, mon opposition ne réussit à me faire échapper. Craignant les blâmes qu’on me jetterait pour avoir été dans la chambre avec lui, je décidai de ne crier au secours. Ayant perdu toute notion de raison face à sa libido, il ignora son statut et se livra à sa sale besogne.
Au retour de la mission, voulant porter plainte, le regard de la société me poussa à ne rien faire. Étant consciente des blâmes, accusations fortuites que risquait ma personne en cas de plainte, je n’avais qu’à céder. Car au lieu de laisser la justice tranchée, on m’accuserait de vouloir ruiner sa belle carrière. Avant même le procès, la société allait le disculper du viol en se basant sur son fascinant parcours.
Du statut de violeur, il allait passer à celui de victime de complot. Du statut de victime de viol, je passerais à celui de briseuse de carrière. D’ailleurs son statut pouvait lui permettre de gagner le procès à travers la corruption. Et moi je serais le démon parfait aux yeux de tous pour l’éternité. En un mot, la société entière allait se braquer contre moi.
Suis-je si forte pour me battre contre tous? Non! Personne ne peut se battre contre tous.
Pour le plaisir de la société, je fus contrainte de souffrir en silence de mon viol que d’ester en justice, par peur d’avoir la société entière au dos.
Pour le plaisir de la société, mon violeur parfumé, cravaté, brillant cerveau, parcours fascinant, se pavane tranquillement dans la nature en attendant une nouvelle proie.
Société patriarcale, je m’incline devant ta force à faire passer une victime pour coupable!
Par Halima Diawadou Baldé