L’ancien président burkinabè, en exil en Côte d’Ivoire, sera jugé pour « complicité » dans l’assassinat de Thomas Sankara. La date du procès n’a pas encore été fixée, mais le dossier a été renvoyé devant le tribunal militaire de Ouagadougou et les charges confirmées.
Trente-quatre ans après l’assassinat de Thomas Sankara, le 15 octobre 1987, et de douze de ses compagnons lors du coup d’État qui avait porté Blaise Compaoré au pouvoir, un procès semble désormais inéluctable. Dans un arrêt rendu ce mardi 14 avril, la chambre de contrôle de l’instruction a renvoyé le dossier en jugement devant le tribunal militaire de Ouagadougou.
Outre Blaise Compaoré, treize de ses coaccusés sont renvoyés devant les juges, parmi lesquels Gilbert Diendéré, déjà sous le coup d’une condamnation (dont il a fait appel) à vingt ans de prison dans le procès du putsch manqué de 2015.
« Recel de cadavres »
Blaise Compaoré et Gilbert Diendéré seront jugés pour « attentat à la sûreté de l’État » et « complicité d’assassinat ». L’ex-président et son ancien chef d’état-major particulier seront en outre poursuivis pour « recel de cadavres ». Les charges d’« assassinat », que l’accusation avait initialement réclamées à l’encontre de Gilbert Diendéré, n’ont pas été retenues. Il sera en revanche poursuivi pour « subornation de témoins ».
Seuls quatre des quatorze accusés sont poursuivis pour « assassinat » : Nabonsouindé Ouedraogo, Idrissa Sawadogo, Yamba Élysée Ilboudo et Hyacinthe Kafando. Quatre hommes qui comptaient parmi les gardes du corps de Blaise Compaoré à l’époque des faits. « L’heure de la justice a enfin sonné, un procès peut s’ouvrir, s’est félicité Me Guy Hervé Kam, cité par l’AFP. Il appartient donc au procureur militaire de programmer une date d’audience. »
Un procès « très bientôt »
Bloquée sous Blaise Compaoré, l’enquête sur l’assassinat du leader de la révolution a été relancée par le régime de transition en 2015. La justice militaire avait inculpé Blaise Compaoré et Gilbert Diendéré dès le mois de novembre de cette année-là et Ouagadougou avait émis un mandat d’arrêt international à l’encontre de l’ancien président, qui vit en exil en Côte d’Ivoire.
La décision de la chambre de contrôle de l’instruction constitue donc un pas supplémentaire en direction d’un procès dont la date n’a cependant pas été fixée. Mais celui-ci devrait avoir lieu « très bientôt », les mandats d’amener des accusés « non encore détenus ayant été ordonnés ce matin », a assuré à l’AFP Me Mathieu Somé, avocat de Gilbert Diendéré.
Le potentiel retour de Blaise Compaoré est régulièrement évoqué par ses partisans, et il est au cœur des débats dans le cadre du processus de réconciliation amorcé par le président Roch Marc Christian Kaboré. Mais l’ancien chef de l’État, qui a obtenu la nationalité ivoirienne en 2016, ne peut être extradé par Abidjan.
Restera la question du rôle de la France dans l’assassinat de Thomas Sankara, au centre de la controverse depuis trois décennies. Si Paris a annoncé la mise à disposition de trois lots de documents contenant des éléments sur l’assassinat issus des services de police français, plusieurs sources ont récemment affirmé à Jeune Afrique qu’il s’agirait essentiellement d’archives diplomatiques et non d’éléments estampillés « secret défense ». Le juge d’instruction initialement chargé du dossier, François Yaméogo, avait d’ailleurs pris la décision de disjoindre les volets nationaux et internationaux. Le procès dans lequel Blaise Compaoré et Gilbert Diendéré seront jugés à Ouagadougou n’abordera donc pas cet aspect.