Les coups d’Ătat militaires ont Ă©tĂ© monnaie courante en Afrique au cours des dĂ©cennies qui ont suivi l’indĂ©pendance et l’on craint dĂ©sormais qu’ils ne deviennent plus frĂ©quents.
Le Soudan a connu cette annĂ©e deux Ă©vĂ©nements de ce type, l’un en septembre qui a Ă©chouĂ© et le dernier dans lequel le gĂ©nĂ©ral Abdel Fattah Burhan a dissous la branche civile d’un gouvernement de transition et a pris le pouvoir.
En GuinĂ©e, le prĂ©sident CondĂ© a Ă©tĂ© chassĂ© par l’armĂ©e en septembre et, au Mali voisin, l’armĂ©e est intervenue Ă deux reprises en moins d’un an, la derniĂšre fois en mai.
Au Niger, un coup d’Ătat a Ă©tĂ© dĂ©jouĂ© en mars, quelques jours seulement avant l’inauguration prĂ©sidentielle.
Les interventions militaires sont-elles donc plus fréquentes sur le continent?
Qu’est-ce qu’un coup d’Ătat ?
L’une des dĂ©finitions utilisĂ©es est celle d’une tentative illĂ©gale et manifeste de l’armĂ©e (ou d’autres responsables civils) de renverser les dirigeants en place.
Une étude menée par deux chercheurs américains, Jonathan Powell et Clayton Thyne, identifie plus de 200 tentatives de ce type en Afrique depuis la fin des années 1950.
Environ la moitiĂ© d’entre elles ont rĂ©ussi, c’est-Ă -dire qu’elles ont durĂ© plus de sept jours.
Le Burkina Faso, en Afrique de l’Ouest, connait le plus grand nombre de tentatives rĂ©ussies, avec sept et un seul Ă©chec.
Parfois, ceux qui prennent part Ă une telle intervention nient qu’il s’agit d’un coup d’Ătat.
En 2017 au Zimbabwe, une prise de pouvoir militaire a mis fin aux 37 ans de rĂšgne de Robert Mugabe.
L’un des meneurs, le gĂ©nĂ©ral de division Sibusiso Moyo, est apparu Ă la tĂ©lĂ©vision Ă l’Ă©poque pour nier catĂ©goriquement une prise de pouvoir militaire.
En avril de cette annĂ©e, aprĂšs la mort du dirigeant tchadien Idriss Deby, l’armĂ©e installe son fils comme prĂ©sident par intĂ©rim Ă la tĂȘte d’un conseil militaire de transition. Ses opposants le qualifient de « coup dynastique ».
« Les putschistes nient presque invariablement que leur action est un coup d’Ătat dans le but de paraĂźtre lĂ©gitimes », explique Jonathan Powell.
Y a-t-il moins de coups d’Ătat aujourd’hui en Afrique ?
Au cours des quatre dĂ©cennies entre 1960 et 2000, le nombre global de tentatives de coup d’Ătat en Afrique est restĂ© remarquablement constant, avec une moyenne d’environ quatre par an.
Depuis lors, ce nombre a chutĂ© – Ă environ deux par an au cours des deux dĂ©cennies.
Jonathan Powell estime que cela n’est pas surprenant compte tenu de l’instabilitĂ© que les pays africains ont connue dans les annĂ©es qui ont suivi leur indĂ©pendance.
« Les pays africains ont connu les conditions communes aux coups d’Ătat, comme la pauvretĂ© et les mauvaises performances Ă©conomiques. Quand un pays connaĂźt un coup d’Ătat, c’est souvent le signe avant-coureur d’autres coups d’Ătat », explique-t-il.
Nous n’en sommes qu’Ă deux ans de la dĂ©cennie actuelle et, alors qu’un seul coup d’Ătat a Ă©tĂ© signalĂ© en 2020, le nombre de coups d’Ătat est nettement supĂ©rieur Ă la moyenne cette annĂ©e, avec six coups d’Ătat ou tentatives de coup d’Ătat enregistrĂ©s Ă ce jour.
Avant le coup d’Ătat actuel au Soudan, il y avait eu des coups d’Ătat rĂ©ussis au Tchad, au Mali et en GuinĂ©e, et des prises de pouvoir militaires ratĂ©es au Niger et au Soudan.
En septembre, le secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral des Nations unies, AntĂłnio Guterres, s’est inquiĂ©tĂ© du « retour des coups d’Ătat militaires » et a mis en cause le manque d’unitĂ© de la communautĂ© internationale face aux interventions militaires.
« Les divisions gĂ©opolitiques sapent la coopĂ©ration internationale et […] un sentiment d’impunitĂ© s’installe », a-t-il dĂ©clarĂ©.
Ndubuisi Christian Ani, de l’UniversitĂ© de KwaZulu-Natal, affirme que les soulĂšvements populaires contre les dictateurs en place depuis longtemps ont fourni l’occasion du retour des coups d’Ătat en Afrique.
« Si les soulÚvements populaires sont légitimes et dirigés par le peuple, leur succÚs est souvent déterminé par la décision prise par les militaires », dit-il.
Quels sont les pays africains qui ont connu le plus de coups d’Ătat ?
Le Soudan est le pays qui a connu le plus grand nombre de coups d’Ătat et de tentatives de prise de pouvoir, soit 17, dont cinq ont abouti. Cela n’inclut pas l’actuel, qui vient tout juste de se produire.
En 2019, le dirigeant de longue date Omar el-Béchir a été écarté du pouvoir aprÚs des mois de protestations populaires.
Bachir avait lui-mĂȘme pris le pouvoir lors d’un coup d’Ătat militaire en 1989.
Le Nigeria a eu la rĂ©putation d’ĂȘtre le thĂ©Ăątre de coups d’Ătat militaires dans les annĂ©es qui ont suivi l’indĂ©pendance, avec huit coups d’Ătat entre janvier 1966 et la prise du pouvoir par le gĂ©nĂ©ral Sani Abacha en 1993.
Cependant, depuis 1999, les transferts de pouvoir dans la nation la plus peuplĂ©e d’Afrique se font par des Ă©lections dĂ©mocratiques.
L’histoire du Burundi a Ă©tĂ© marquĂ©e par onze coups d’Ătat distincts, principalement motivĂ©s par les tensions entre les communautĂ©s hutue et tutsie.
La Sierra Leone a connu trois coups d’Ătat entre 1967 et 1968, et un autre en 1971. Entre 1992 et 1997, elle a connu cinq autres tentatives de coup d’Ătat.
Le Ghana a Ă©galement eu sa part de coups d’Ătat militaires, avec huit en deux dĂ©cennies. Le premier a eu lieu en 1966, lorsque Kwame Nkrumah a Ă©tĂ© Ă©cartĂ© du pouvoir, et l’annĂ©e suivante, des officiers subalternes de l’armĂ©e ont tentĂ© en vain de faire un coup d’Ătat.
Globalement, l’Afrique a connu plus de coups d’Ătat que tout autre continent.
Sur les 11 coups d’Ătat enregistrĂ©s dans le monde depuis 2017, tous sauf un – le Myanmar en fĂ©vrier de cette annĂ©e – ont eu lieu en Afrique.
BBC