L’Arabie saoudite a annoncé, lundi 6 août, qu’elle avait ordonné l’expulsion de l’ambassadeur du Canada à Riyad et qu’elle rappelait son propre ambassadeur à Ottawa après une « ingérence » commise, selon elle, par le Canada dans ses affaires intérieures. Les mesures décidées comprennent également le gel des relations commerciales avec le Canada.
Elles interviennent à la suite d’un appel de l’ambassade du Canada à la libération immédiate de militants des droits de l’homme emprisonnés dans le royaume. Celui-ci « n’acceptera d’aucun pays des diktats imposés », a déclaré le ministère des affaires étrangères saoudien sur Twitter.
Le diplomate canadien dispose de 24 heures pour quitter le pays. Quelques heures après cette annonce, le Canada s’est dit « sérieurement inquiet » à la suite de l’expulsion de son ambassadeur. « Nous cherchons à en savoir plus sur la récente déclaration du royaume d’Arabie saoudite », a fait savoir Marie-Pier Baril, porte-parole du ministère des affaires étrangères.
« Que les choses soient bien claires pour tout le monde ici et pour les Canadiens qui nous suivent ou nous écoutent : le Canada défendra toujours les droits humains au Canada et dans le reste du monde », a ensuite déclaré la ministre des affaires étrangères, Chrystia Freeland, à l’ouverture d’une conférence sur l’égalité des sexes à Vancouver, en référence explicite à la crise avec Riyad.
Plus de 7 000 étudiants et leurs familles relocalisés
L’Arabie saoudite a également suspendu ses programmes de bourses universitaires pour ses ressortissants au Canada et va relocaliser des milliers d’étudiants déjà sur place, a indiqué lundi la télévision d’état El-Ekhbariya.
Plus de 7 000 étudiants et leur famille se trouvent actuellement au Canada et les autorités planchent déjà sur leur transfert vers d’autres pays, a précisé à la télévision un responsable du ministère de l’éducation, Jassem Al-Harbach. « Les Etats-Unis et le Royaume-Uni auront la part du lion, étant donné les opportunités d’éducation dans ces deux pays, et nous avons commencé à coordonner avec les missions là-bas », a ajouté M. Harbach, directeur du département des bourses au sein du ministère.
L’Irlande, l’Australie, la Nouvelle-Zélande, le Japon et Singapour sont également des destinations envisagées, a-t-il précisé, alors que les milliers d’étudiants sont accompagnés par plus de 5 000 personnes également à la charge des autorités.
La compagnie aérienne nationale Saudia Airlines a de son côté annoncé la suspension des vols à destination et en provenance de Toronto, la plus grande métropole canadienne.
Nouvelle vague d’arrestations
La semaine dernière, l’ambassade canadienne s’était dite « gravement préoccupée » par une nouvelle vague d’arrestations de militants des droits de l’homme en Arabie saoudite. « Nous appelons les autorités saoudiennes à les libérer immédiatement ainsi que tous les autres activistes pacifiques des #droitsdel’homme », avait déclaré vendredi la représentation diplomatique vendredi dans un communiqué publié en anglais et en arabe sur Twitter.
Le ministère des affaires étrangères saoudien a exprimé sa réprobation concernant la formulation de ce texte : « Il est très regrettable que les mots “libération immédiate” figurent dans le communiqué canadien. C’est inacceptable dans les relations entre deux pays. »
Samar Badawi, une militante de l’égalité entre hommes et femmes, a été arrêtée la semaine dernière avec sa collègue Nassima Al-Sadah. Samar Badawi est la récipiendaire du prix international du courage féminin 2012 décerné par le département d’Etat américain. Elle a fait campagne pour la libération de son frère, Raif Badawi, un blogueur dissident, et de Walid Abou Al-Khair, son ancien mari. Ensaf Haidar, la femme de Raif Badawi, est par ailleurs récemment devenue une citoyenne canadienne.
Comme Mme Badawi, Nassima Al-Sadah est une opposante de longue date au système de tutelle de l’Arabie saoudite, qui met la femme sous l’autorité de l’homme quand il s’agit d’étudier, de voyager ou de se marier.
Elles sont « les plus récentes victimes d’une campagne de répression sans précédent du gouvernement » saoudien, avait déclaré mercredi l’association de défense des droits de l’homme Human Rights Watch. Ces arrestations sont intervenues quelques semaines après celles d’une dizaine de militantes des droits des femmes qui ont été accusées de porter atteinte à la sécurité nationale et de collaborer avec les ennemis de l’Etat. Certaines ont été relâchées depuis.
Lemonde