S’il est bien un point qui ne saurait souffrir d’aucune contestation, c’est que les États africains devraient tenir compte des préoccupations légitimes de la couche juvénile du continent sujette au chômage chronique, au sous-emploi, à la pauvreté et à un système éducatif en déclin.
Il est d’autant plus urgent d’agir qu’à l’horizon 2050, plus de la moitié de la population du continent aura moins de 25 ans et actuellement, 60% de jeunes en Afrique subsaharienne sont considérés comme inactifs ou très partiellement actifs.
Si les États ont un rôle primordial à jouer dans l’émancipation des jeunes en investissant massivement dans leur éducation, il me semble tout aussi indispensable d’interpeller cette jeunesse sur la persistance des maux qui nous accablent.
Devrait-elle être exonérée de toute responsabilité dans le drame que nous traversons ?
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Le constat alarmant est que l’essentiel des préoccupations d’une partie importante de notre jeunesse se résume au sexe, à la musique, à la luxure, au buzz et au gain facile. C’est tout ce qui les intéresse.
Aucun besoin de la sensibiliser quand il s’agit de ça. Même quand on parle en bengali, elle se donnera les moyens de trouver le chemin, le temps, l’argent et l’énergie pour y aller comme le dit une auteure.
Parfois, je me dis qu’on ne peut rien faire pour cette partie de plus en plus grandissante de la jeunesse guinéenne.
Elle mérite les dirigeants corrompus comme le légionnaire Mamadi Doumbouya et sa bande qui détruisent son quotidien et son avenir.
Elle mérite l’école au rabais, les bourreaux et les affres de la Méditerranée.
Nous avons, hélas en majorité, une jeunesse qui n’aspire pas à construire une société meilleure.
Elle aspire à profiter d’un système tordu. Elle court après celui qui distribue le poisson et elle tourne le dos à celui qui veut lui apprendre à pêcher.
Elle ne condamne pas la corruption, elle condamne le fait qu’elle ne soit pas directement bénéficiaire de la corruption.
Une jeunesse qui ne fait usage de sa data que pour regarder, pendant des heures entières, des directs sur des « sugar daddy », des sorcières et des clash d’artistes, mais qui n’en consacre pas pour suivre des cours gratuits en ligne, des capsules vidéos édifiantes sur la vie du pays et le fonctionnement de l’Etat ou des livres sur l’entrepreneuriat.
Une jeunesse qui passe son temps à insulter et à faire de la « titrologie » sur les réseaux sociaux, mais qui est trop paresseuse pour Googler la vraie information ou la définition d’un mot.
La jeunesse que j’appelle de tous mes vœux, c’est celle qui demande aux prétendants aux affaires leurs idées, leur vision, leur programme, leur conception du leadership, mais celle qui se soucie de savoir s’ils ont des milliards à distribuer, celle qui va se mettre au service de personnes dont la fortune est basée sur la prédation des ressources publiques , mais sans aucune idéologie dans le bon sens du terme , sans aucune vision, aucun programme, aucun courage et aucune volonté réelle de rupture avec un système qui cause leur chômage, leur désœuvrement, leur inculture, leur misère.
Je désespère à la vue d’une jeunesse qui brûle les drapeaux des puissances occidentales supposées impérialistes à qui elle attribue tous leurs déboires sans jamais questionner la responsabilité de leurs propres dirigeants et brandit fièrement le drapeau de la fédération de Russie censée être le messie, quelle tristesse.
Je désespère davantage à la vue de cette jeunesse qui préfère vendre sa voix et sa signature sur un procès-verbal pour un montant dérisoire de 50.000 GNF, une assiette de riz et un tee-shirt, plutôt que de rester à surveiller les urnes sans se laisser acheter lors d’une élection.
Dans mes pensées les plus ardentes, la jeunesse que j’appelle de tous mes vœux est sans conteste celle qui s’affranchit des discours frelatés prétendument panafricanistes et souverainistes pour interpeller leurs auteurs sur ce qu’ils font actuellement ou prévoient de faire dans un futur proche pour satisfaire leurs revendications.
C’est celle qui ne se laisse pas accaparer par les ressentiments post-coloniaux, qui interroge sa propre responsabilité et se demande si elle est à la hauteur des enjeux pressants auxquels le pays fait face.
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C’est celle qui revendique ses droits et s’acquitte de ses devoirs, qui participe activement à l’édification et à la consolidation de structures étatiques et non etatiques qui mettront en échec les adversaires de la démocratie et qui seront sans doute les piliers d’une prospérité collective.
Elle est sans ambages précurseur et maîtresse de son destin.
Elle est, sans doute, celle qui, au prix de bien des sacrifices, impose sa légitimité.
Elle est prête à défendre les règles et principe constitutionnels et républicains, l’État de droit, mais aussi la démocratie sans compromission.
Elle s’engage et choisit la lutte citoyenne qui est moins coûteuse sur le long terme plutôt que l’injustice qui n’épargne personne.
C’est bien cette jeunesse que je souhaite voir à l’œuvre et à l’ouvrage.
Elle est celle qui combat les anciens trafiquants de drogue, des bandits à cols blancs qui parviennent à se reconvertir en se glissant dans les hautes sphères de l’administration publique.
En plus, elle est celle qui refuse que le destin de ce pays demeure à la merci de copains et coquins qui le pressent comme une orange et qui expliquent cette incongruité par des bénédictions qu’ils auraient reçues de Dieu et/ou de leurs parents.
Elle est celle qui n’éprouve pas la moindre jalousie ou envie vis-à-vis d’un délinquant, d’un homme dont le niveau de moralité est égal à zéro.
Elle est celle qui combat la délinquance sous toutes ses formes, le « larbinisme » de tout genre, les courbettes, la compromission et les intrigues les plus abjectes.
Elle ne courbe pas l’échine et refuse d’accompagner les forfaitures, les violations des principes basiques de l’Etat de droit, de la démocratie et des droits de l’homme.
Elle est celle qui se refuse de tomber dans la théorie abjecte de l’ethnocentrisme, du régionalisme et du communautarisme.
Elle croit à la démocratie comme seul moyen d’accession au pouvoir et aux vertus de la lutte citoyenne comme moyen de construire une Guinée plus juste, plus unie et plus prospère où seul le mérite aura droit de cité et l’arbitraire ne serait qu’un lointain souvenir.
SEKOU KOUNDOUNO
RESPONSABLE DES STRATÉGIES ET PLANIFICATION DU FNDC