La ville de Labé, située à près de 450 kilomètres de la capitale Conakry au nord du pays, a été le théâtre de violents affrontements dans la journée du 23 janvier 2020 entre les manifestants qui exigent le départ de Madifing Diané, le gouverneur de la région, et les forces de défense et de sécurité, au cours desquels trois personnes ont perdu la vie.
C’est dans ces heurts réprimés par des tirs à balles réelles que l’ambulancier de l’hôpital régional de Labé, Aldiouma Diallo, âgé de 50 ans, a perdu la vie dans l’après-midi. Maitre Diouma, comme l’appelait affectueusement le personnel sanitaire, partait récupérer le corps de Mamadou Cossa Kanté qui venait de recevoir une balle en marge des accrochages qui ont eu lieu entre les opposants à toute modification constitutionnelle en Guinée et les forces de l’ordre appuyées par des militaires venus du camp Elhadj Oumar Tall de Labé, deuxième région militaire du pays.
« Ils l’ont par la suite frappé à l’aide de bâtons au niveau de la nique »
Les faits allaient restés non traçables, si un citoyen n’avait pas eu le courage de filmer l’intégralité de la dramatique scène. En exclusivité, la rédaction de Foutanews.Info, s’est procurée de la vidéo qui dure deux minutes onze secondes, où nous voyons les forces de l’ordre s’en prendre à l’ambulance, à l’ambulancier et aux autres citoyens qui étaient à bord. Dans la séquence, nous entendons les jeunes décrire impuissamment les faits et laisser éclater sa colère.
Le jeune qui a tourné la vidéo est revenu sur le déroulement de la scène ayant conduit à la mort de l’ambulancier, Maitre Diouma : « Je m’étais arrêté derrière la cour d’une concession. J’aperçois un véhicule et je me pose la question : quelle est la personne qui se hasarderait à faire sortir sa voiture en pareille tension ? Et après, j’aperçois les phares et je me dis que c’était une ambulance. Dès qu’ils sont arrivés à la station Shell, je vois venir deux pick-ups. Un de la gendarmerie et un autre de couleur blanche. Je ne sais pas de quel corps. J’étais un peu loin, donc je n’entendais pas la quintessence de leurs échanges. Quelque temps après, j’ai vu un agent qui détenait un bâton s’approchait de l’ambulance. Ensuite, il a asséné le pare-brise et ses collègues s’en sont pris aux personnes qui étaient à bord de l’ambulance en les rouant de coups. Un agent est venu ouvrir la portière coté chauffeur, il l’a tiré de force de son siège. Ils l’ont par la suite frappé à l’aide de bâtons au niveau de la nique. Après les gens qui étaient dans les parages sont massivement sortis en criant ‘c’est une ambulance, c’est une ambulance’. Et quand ils ont vu les personnes sortir en masse, ils l’ont jeté et les agents savaient déjà qu’il était mort. ils l’ont abandonné sur place et ont fui. Les citoyens sont venus le prendre et le mettre dans son ambulance pour l’amener à l’hôpital qui se trouve à quelques mètres du lieu de l’assassinat. »
Mamadou Alpha Diallo, un des jeunes qui étaient à abord de l’ambulance, est aussi revenu sur les circonstances de la scène qu’il a vécue : « Quand nous avons dépassé la barricade érigée par des enfants, nous sommes tombés sur le pick-up des forces de l’ordre qui n’était pas loin. Nous leur avons dit que nous ne sommes pas manifestants que nous partons chercher un corps. Mais ils étaient très chauds. C’est ainsi que certains d’entre eux ont cassé le pare-brise de l’ambulance. Agents de force de l’ordre et manifestants jetaient des pierres. C’est dans ce contexte qu’on s’est aperçus de la disparation du chauffeur. Nous avons voulu nous expliquer, mais ils ne nous ont pas écoutés. Ils nous rouaient de coups et les agents ont également continué à donner des coups à l’ambulance. Donc, les jeunes ont intensifié les jets de pierre pour permettre de nous sauver. C’est dans cette situation confuse qu’on a vu le chauffeur couché à même le sol. »
Une version démentie par le gouverneur de la région administrative de Labé que nous avons joint au téléphone. D’après Madifing Diané, ce sont les manifestants qui sont à la base des différentes tueries enregistrées dans la ville ces derniers jours. « [L’ambulancier] partait prendre le corps au niveau des manifestants. Il l’ont battu », a-t-il rétorqué, assurant que les autres cas de morts, c’est encore les manifestants qui en sont les auteurs. La première victime, « ils l’ont battu à mort eux-mêmes. C’est ce jeune que le monsieur de l’ambulance allait récupérer. Le deuxième, ils disent encore ce sont les forces de l’ordre. Ce sont les manifestants qui tirent entre eux ».
Une accusation en totale contradiction avec les différents témoignages recueillis auprès des citoyens. Depuis le début de la résistance active et permanente lancée par le FNDC, le 13 janvier dernier, cinq personnes ont été tuées dans les affrontements entre opposants au projet d’adoption d’une nouvelle constitution et forces de l’ordre appuyées par des milliaires du camp Elhadj Oumar Tall de Labé. De nombreux blessés, certains par balles, sont également à déplorer. Les médecins de l’hôpital régional de Labé ont quant à eux déserté le centre hospitalier, obligeant les malades à rallier leurs domiciles ce vendredi, après la mort de l’ambulancier.
AVEC NOTRE PARTENAIRE FOUTANEWS