Depuis 2010, les différents premiers ministres qui se sont succédés, ont tous omis la culture lors de la présentation de leur programme de développement.
La goutte de trop qui prouve que le Président Alpha Condé n’a pas pris la Guinée là où Sékou Touré l’avait laissé (car ce dernier valorisait la culture), est l’omission de la culture dans les priorités gouvernementales répertoriées dans le Plan de riposte contre le coronavirus, présenté par le Premier ministre Ibrahima Kassory Fofana dans la nuit lundi 6 avril.
Sur les 3000 milliards de francs guinéens débloqués, aucune ligne budgétaire n’a été accordée à ce secteur pourtant victime du covid19, avec plus d’une dizaine d’événements culturels reportés pour des dates ultérieures.
Prendre des décisions sans des mesures d’accompagnement, une spécialité guinéenne!
Le 16 mars dernier, suite à la détection du 1er cas de coronavirus en Guinée, le Ministère des sports, de la culture et du patrimoine historique suspendait à travers un communiqué, toutes les activités de grande envergure liés aux sports et à la culture.
Pour les opérateurs culturels, cette décision fût un coup de massue car bon nombre avaient injectés des fonds dans la communication, la logistique, dans le transport des invités et dans la main d’oeuvre locales pour des tâches liées à l’organisation. Au grand dam des organisateurs, nul n’a été subventionné.
Après concertation entre une vingtaine de structures événementielles touchées par le coronavirus, l’impact financier causé par la suspension sans accompagnement s’élève à 2.399.577.500 GNF, selon le Collectif des Promoteurs Culturels Guinéens.
Dans le plan de riposte présenté, certaines lignes n’ont aucun effet positif sur la satisfaction des besoins du guinéen.
Prenons juste deux exemples liés au transport, après approbation du Président Alpha Condé : « les transports publics en bus sont rendus gratuits pour trois mois à partir de ce mois d’avril, ce qui représente un effort de l’État à hauteur de 6 milliards de francs guinéens » et un peu plus loin : « le transport public par voie ferroviaire (Conakry Express) est également rendu gratuit pour trois mois à compter de ce mois d’avril 2020, soit un coût pour l’État de 2 milliards de francs guinéens ;
Sachant que la SOTRAGUI (Société de transport de Guinée) souffre car sur les 10 bus affectés à Conakry, 5 ne sont pas en circulation. A quoi les 6 milliards vont servir en réalité alors qu’une partie aurait pu servir à atténuer la chute libre de la culture guinéenne? De plus, le second support financier n’est que de la fumée car depuis novembre 2019, le train Conakry Express ne ralie pas Kaloum à Kagbélén. Ce qui reviendrait à dire que ces deux lignes qui s’élève à 8 milliards de francs guinéens, auraient pu être orientés ou une bonne partie en tout cas, dans le maintien sous assistance respiratoire de la culture et ses acteurs, comme l’ont fait la France et l’Allemagne.
L’artiste vit de son art mais la Guinée est devenue le cimetiere des talents artistiques
Juste entre mars et avril 2020, des activités culturelles dans les domaines de l’humour, des concerts dédicaces d’albums, des festivals de mode, de littérature, ont été décalés pour des dates ultérieures. Le malheur est que cette situation impacte sur les conditions de vie des artistes, qu’importe le domaine vu qu’ils ne pourront pas empocher de cachets.
En plus de l’annulation des spectacles, vache laitière des artistes guinéens, le Bureau guinéen des droits d’auteurs (BGDA) reste silencieux sur la récolte et la répartition des redevances. Une partie des 8 milliards alloués à deux secteurs du transports en syncope, aurait donné un second souffle aux artistes vu qu’il n’y a aucun événement à l’horizon.
De surcroît, c’était une occasion pour l’Etat guinéen d’injecter des fonds dans l’organisation des Hackatons liés au numérique. Des jeunes prodiges guinéens dans le high-tech auraient pu être mis à contribution ou devrais-je dire en compétition, afin de concevoir une application ou un site à travers lequel, les artistes auraient pu gagner des royalties (revenus obtenus à partir du droit numérique). Ce produit aurait même servi au BGDA dans le contrôle et la distribution exacte des revenus en fonction de la consommation et de l’usage de l’oeuvre. Une sorte de Shazam made in Guinea allait voir jour pour le bonheur des artistes chanteurs.
Ces pistes ne sont pas exhaustives. Elles ne sont que des propositions que M. les conseillers des Ministres et du PM auraient pu soumettre lors de l’élaboration du Plan de riposte contre le covid19.
L’Etat guinéen par le biais de la culture, transmet des messages de sensibilisation contre tous les maux et les cibles sont atteintes car le peuple écoute mieux les artistes que les leaders politiques.
Pour une fois, il serait aisé d’affirmer en Guinée « la société au service de l’art » et non comme toujours, l’art au service de la société.
Pensons-y !
Alpha Camara