C’est un vĂ©ritable appel au secours qu’a lancĂ© la communautĂ© kenyane de Canton, la plus africaine des villes chinoises, victimes de discrimination en raison du Covid-19. Et les tĂ©moignages qu’on peut lire dans le quotidien kĂ©nyan Daily Nation de ce samedi 11 avril sont glaçants. « Nous sommes victimes de discrimination parce qu’ils pensent que nous sommes porteurs asymptomatiques de coronavirus. Certains nous dĂ©testent sans raison. HonnĂȘtement, nous devons rentrer chez nous », tĂ©moigne sous le couvert de l’anonymat une KĂ©nyane.
Plusieurs Africains, particuliĂšrement nombreux dans cette mĂ©tropole de 15 millions d’habitants de la province du Guangdong dans le Sud, ont Ă©tĂ© expulsĂ©s de leur logement, puis refusĂ©s dans des hĂŽtels, certains disent ainsi avoir Ă©tĂ© contraints de dormir dans les rues. Ces incidents sont survenus aprĂšs que cinq NigĂ©rians de Canton, testĂ©s positifs au Covid-19, se sont Ă©chappĂ©s de leur quarantaine pour se rendre dans plusieurs restaurants et lieux publics, d’aprĂšs un communiquĂ© de la municipalitĂ©. ConsĂ©quence : les autoritĂ©s ont dĂ» tester ou placer en quarantaine quelque 2 000 personnes avec lesquelles ils avaient Ă©tĂ© en contact, a rapportĂ© un mĂ©dia d’Ătat chinois.
Canton a, jusqu’au dernier bilan Ă©tabli jeudi, fait Ă©tat de 114 cas « importĂ©s ». Parmi eux figurent 16 Africains, le reste Ă©tant des ressortissants chinois. Une statistique qui n’a toutefois pas freinĂ© la suspicion Ă l’Ă©gard de la communautĂ© africaine de la ville. La Chine, qui a dĂ©sormais largement endiguĂ© l’Ă©pidĂ©mie de Covid-19, est sur le qui-vive face aux personnes arrivant de l’Ă©tranger, potentiellement porteuses du coronavirus et donc susceptibles de provoquer une deuxiĂšme vague Ă©pidĂ©mique. Mais vis-Ă -vis des Africains, cette suspicion va encore plus loin et a entraĂźnĂ© un torrent de commentaires haineux sur les rĂ©seaux sociaux. Certains ont mĂȘme appelĂ© Ă expulser de Chine tous les Africains. « J’ai dĂ» dormir sous un pont pendant quatre jours sans rien Ă manger. Je ne peux mĂȘme pas acheter de nourriture, car aucun magasin ou restaurant ne m’accepte », affirme Ă l’AFP Tony Mathias, un Ă©tudiant ougandais. Plusieurs vidĂ©os faites par des Africains vivant dans la grande mĂ©tropole ont Ă©tĂ© mises en ligne sur la Toile.
D’aprĂšs plusieurs tĂ©moignages, la police chinoise les aurait expulsĂ©s de force et aurait parfois exigĂ© leurs piĂšces d’identitĂ©. « La premiĂšre chose qu’ils demandent, ce sont les documents. Certains policiers vous permettent de garder le passeport, mais d’autres le prennent », explique un tĂ©moin citĂ© par le Daily Nation. Selon Tony Mathias, les policiers n’ont exigĂ© ni dĂ©pistage ni quarantaine, mais lui ont tout simplement dit⊠d’aller dans une autre ville. Des tĂ©moignages difficiles Ă vĂ©rifier, car d’autres membres de la communautĂ© ont Ă©tĂ© soumis Ă des dĂ©pistages massifs et placĂ©s en quarantaine.
D’oĂč la colĂšre de Thiam, un Ă©tudiant guinĂ©en, qui affirme Ă l’AFP avoir Ă©tĂ© testĂ© nĂ©gatif. Selon lui, la police a exigĂ© qu’il soit placĂ© en quarantaine, mĂȘme s’il n’a pas quittĂ© Canton depuis le dĂ©but de l’Ă©pidĂ©mie en janvier. « Toutes les personnes que j’ai vu ĂȘtre testĂ©es sont des Africains. Les Chinois peuvent se dĂ©placer librement. Mais quand tu es noir, tu ne peux pas sortir », dit-il. ContactĂ©e, la police de Canton a refusĂ© de rĂ©pondre aux questions de l’AFP.
Denny, un marchand nigĂ©rian expulsĂ© de son appartement, dit avoir passĂ© plusieurs jours dehors, avant que des policiers ne le conduisent finalement en quarantaine dans un hĂŽtel. « MĂȘme si on est testĂ© nĂ©gatif, la police ne nous autorise pas Ă rester dans notre appartement. Aucune raison n’est donnĂ©e », assure-t-il Ă l’AFP.
Avec le Point.fr