- Plusieurs morts lors de manifestations à Kindia et Boké
- De nouvelles arrestations d’activistes
- Plus de 40 opposants détenus arbitrairement transférés à Kankan
Les arrestations arbitraires d’activistes montrent que la répression systématique entamée depuis le mois de mars par les autorités guinéennes continue pour faire taire les voix critiques, a déclaré Amnesty International aujourd’hui.
L’organisation souligne que l’intervention des forces de défense et de sécurité ayant entraîné la mort de plusieurs personnes lors de protestations avant-hier, témoigne une fois de plus du recours systématique à l’usage excessif de la force. Des manifestations contre la multiplication de check-points pour restreindre la libre circulation afin de freiner la propagation du COVID-19 ont été violemment réprimées par des forces de sécurité dans la région de Kindia au nord-ouest du pays.
Six personnes dont une femme enceinte ont été tuées mardi 12 mai suite à des protestations à Friguiadi, Manéah, Coyah et Dubréka. Le même jour, un jeune a aussi été tué par balle après des manifestations contre les coupures de courant dans la ville minière de Kamsar. Des bâtiments publics et domiciles privés ont été saccagés ou incendiés par des manifestants dans ces différentes localités.
« Depuis le début de l’année, plusieurs personnes ont été victimes d’homicides illégaux et d’arrestations arbitraires. Cette semaine, les forces de sécurité ont à nouveau eu recours à un usage excessif de la force contre des manifestants. Le gouvernement n’a à ce jour rendu public aucun bilan, » a déclaré Fabien Offner, chercheur au Bureau d’Amnesty International pour l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique centrale.
« La justice doit ouvrir de façon immédiate une enquête indépendante sur les circonstances de la mort et des blessures de ces personnes, et poursuivre les responsables devant la justice.»
Pour lutter contre la pandémie, les autorités ont restreint la circulation au départ de la capitale Conakry vers les régions. La multiplication des barrages et les conditions d’application des mesures ont mis en colère les populations. Le 12 mai, des manifestations ont éclaté au niveau d’un barrage installé dans la localité de Friguiadi.
Un habitant contacté par Amnesty International a raconté :
«…Les révoltes des populations sont dues à la multiplication des exactions par les forces de sécurité au niveau des barrages dont le nombre s’est multiplié jusqu’à dépasser les limites. La situation a empiré jusqu’à ce qu’on en arrive là »
Arrestation d’activistes et transfèrement d’opposants
Amnesty International a documenté de nouveaux cas d’arrestations arbitraires d’activistes. Figure parmi eux Saïkou Yaya Diallo, responsable juridique du Front national pour la défense de la constitution (FNDC). Il a été arrêté le 7 mai à Conakry après que des membres du FNDC ont interpellé lors de leur conférence de presse le 25 mars un présumé agent des services de renseignements.
Le 12 mai, Diallo a été inculpé pour ‘’voie de fait, violence, menaces et injures publiques’’ et incarcéré à la maison centrale de Conakry. Des charges non justifiées, selon des témoignages et documents recueillis par Amnesty International. Quatre autres leaders du FNDC ont reçu une convocation de la Direction de la police judiciaire le même jour sur la même affaire.
Plus d’une quarantaine d’opposants arrêtés ces dernières semaines dans la région de Nzérékoré au sud du pays, ont été transférés dans la nuit du 29 au 30 avril, sans notification préalable, de cette ville à Kankan. Parmi les détenus transférés figure Cécé Loua, ancien maire de Nzérékoré et cadre de l’Union des forces républicaines (UFR, opposition), arrêté le 24 avril sans mandat.
Un de ses proches a déclaré à Amnesty International :
« … Son nom était inscrit en 11e position d’une liste de personnes recherchées par les autorités, qui circulait sur les réseaux sociaux. Aucune notification préalable ne lui a été faite. Et nous estimons qu’il s’agit d’un enlèvement pur et simple. Il a d’abord été en garde à vue au commissariat central de Nzérékoré, puis incarcéré à la maison d’arrêt. Deux semaines après, il a été transféré à Kankan. »
Dans la région de Labé, au nord du pays, Amnesty International a documenté des arrestations arbitraires et la criminalisation de toute participation à des manifestations pacifiques.
Le 14 avril dernier, Thierno Sadou Diallo, coordinateur du FNDC à Tougué (région de Labé) a été arrêté et brutalisé par des gendarmes à son domicile alors qu’il était malade et sous perfusion. Ils ont refusé dans un premier temps que Diallo soit conduit dans une structure hospitalière en dépit de son état de santé. Il a eu tardivement accès à des soins avant d’être ramené à la prison de Labé où il est toujours détenu. Il a nié l’accusation d’avoir participé à l’incendie de la gendarmerie de Tougué le 28 février 2020, indiquant qu’il n’était pas sur place le jour de l’incident. Il n’a jusqu’à présent pas pu voir un avocat.
Amnesty International s’inquiète de sa détention arbitraire et de celle d’autres leaders pro-démocratie comme Oumar Sylla dit Foninke Mengué.
Arrêté le 17 avril, il a été inculpé une semaine plus tard pour ‘’communication et diffusion de fausses informations’.
La pandémie active dans une prison surpeuplée
Alors que la Guinée compte, à ce jour, plus de 2000 cas de COVID-19, les autorités ont confirmé le 12 mai, le nombre de 58 personnes infectées sur 130 tests et trois décès liés au virus au sein de la maison centrale de Conakry, la plus surpeuplée du pays avec 1500 détenus pour une capacité de 300. C’est dans cette prison que Saïkou Yaya Diallo du FNDC est détenu alors qu’il souffre de diabète chronique.
«Le cycle ininterrompu des arrestations illégales éloigne chaque jour un peu plus les autorités du respect des droits humains » a déclaré Fabien Offner.
«Compte tenu du risque accru de contagion en détention notamment dans des lieux surpeuplés, nous demandons aux autorités de libérer immédiatement et sans conditions tous les activistes détenus arbitrairement et de prendre d’autres mesures afin de désengorger les prisons et protéger le droit à la santé de tous les détenus.»
Amnesty International