Cette année 2020, dans cinq mois exactement, les guinéens sont censés retourner aux urnes pour élire un nouveau président de la République puisque le deuxième et dernier mandat de l’actuel sera à son terme au mois d’octobre.
Cependant le calendrier électoral pourrait être impacté par la maladie à coronavirus qui sévit dans le monde et qui a touché plus de 3000 personnes en Guinée.
Au sein de l’opinion, le débat sur la possibilité ou non de tenir les élections présidentielles à date est sur plusieurs lèvres notamment celles des acteurs politiques et de la société civile.
La ville de Fria, cité minière secouée ces derniers temps par des manifestations du Front National pour la Défense de la Constitution, une situation empirée par l’apparition de la covid-19, n’est pas en marge de cet ambitieux débat. Là, comme partout dans le pays, les avis restent partagés et les acteurs s’expriment sur le sujet avec hésitation.
Représentant le parti ‘’Nouvelles Forces Démocratiques’’ au sein du conseil communal, Aliou Bah qui a exprimé un refus catégorique à se rallier au choix de Mouctar Diallo Président de son parti, pense que cette pandémie est loin d’être un obstacle à la tenue de ces élections.
« Pour moi, la covid-19 ne peut empêcher la tenue des élections du moment où les élections du 22 mars dernier ont été organisées malgré la constatation de plusieurs cas de coronavirus dans la capitale » a-t-il déclaré avant d’ajouter que le gouvernement a tout intérêt à organiser ces élections pour éviter le chaos.
« Le gouvernement doit avoir plus de volonté dans la gestion de la pandémie afin de maitriser la situation sanitaire pour relancer les activités économiques et politiques. Si pour organiser les législatives et le référendum, on prétextait que cela allait du fonctionnement de l’Etat, je pense que les présidentielles sont autant plus que nécessaires à la survie de la nation. En plus, récemment la députée de Boffa a, dans une sortie médiatique en réaction au rapport du CESA, clairement indiqué que la vie politique en Guinée a toujours été maintenue même en temps de crise, faisant allusion à Ebola pour justifier l’organisation des élections du 22 mars. Alors, pour moi, rien ne justifierait que ce même pouvoir ne puisse organiser des élections en fin d’année pour éviter l’explosion de la tension qui couve » ajoute-t-il.
Analyste politique, Abdoulaye Camara, au regard des derniers décalages qu’a connu le calendrier électoral, redoutait de la possibilité de tenue des élections présidentielles en cette année 2020 avant même l’apparition de la maladie. Pour lui, la covid-19 ne sera qu’un prétexte pour programmer les élections à une date ultérieure.
« Avec le chevauchement du calendrier des dernières consultations et les contestations en cours sur la légalité ou pas du récent référendum constitutionnel, l’on se doutait bien fort que cette année appelée » année électorale ne tiendrait pas tous ses engagements. A cela s’ajoute le Coronavirus qui en plus d’avoir des impacts négatifs sur l’économie nationale, peut être un argument fort pour l’Etat pour repousser la date des élections en évoquant des difficultés économiques qui découleraient forcément de la crise sanitaire alors qu’à ce niveau, une étude menée par des experts du Fonds Monétaire International soutient que la Guinée figure parmi les pays qui se tireraient mieux d’affaires sur le plan économique après la maladie. Un scénario inverse me surprendrait très franchement » soutient-il.
De son côté, Alhassane Aissatou Sylla, membre de l’antenne locale du FNDC, après être longuement revenu sur les circonstances dans lesquelles s’est tenu le double scrutin du 22 mars, a dit voir d’un œil très pessimiste l’organisation d’élections en Guinée à la fin de cette année.
« Vu toutes les prises de position des uns et des autres quant à la Constitution, auxquelles est venue s’ajouter la pandémie Covid-19 qui évolue à une proportion inquiétante, je vois les choses se compliquer. Loin d’être pessimiste, je pense que nous tendons vers un avenir sombre et incertain si des actes de nature à baisser les tensions ne sont posés. Au cas échéant, le sens du mot VICA collé au processus électoral guinéen prend tout son sens parce que tout semble volatil, incertain, complexe et ambigu » se doute l’acteur de la société civile, membre de la PCUD.
Parlant des actes à poser pour baisser les tensions comme en a fait cas Alhassane Aissatou Sylla, le Vice Maire de la Commune Urbaine, membre du bureau fédéral de l’Union des Forces Démocratiques de Guinée (UFDG) indique pour sa part que l’assainissement du fichier électoral et la consultation de toutes les parties prenantes sont primordiaux.
« Personnellement je ne vois aucune chance pour les guinéens d’aller aux urnes au mois d’octobre pour élire un nouveau Président. D’abord, le référendum visant à permettre à l’actuel Chef d’Etat de se maintenir au pouvoir au-delà de ses deux mandats, ensuite la maladie Covid-19, sont pour l’Etat, deux facteurs favorisant le chevauchement du calendrier électoral. Du côté de l’opposition, outre son refus de reconnaitre cette Nouvelle Constitution, elle doute fortement du fichier électoral. Donc pour moi, ce n’est pas un plaisir de ne pas aller aux élections, mais compte tenu de la situation sanitaire et des problèmes au niveau de la CENI, reporter les élections devrait être une opportunité pour réviser le fichier électoral, reprendre carrément l’enrôlement des électeurs, consulter les acteurs concernés afin qu’ensemble ils trouvent une date consensuelle pour la tenue des élections présidentielles » propose Mamadou Diallo.
Dans l’un ou l’autre cas, l’Etat guinéen devrait prendre une batterie de mesures.
Au cas où le report des élections est envisagé, l’assainissement du fichier électoral, la consultation des parties prenantes dans la prise de cette décision en vue d’une élection inclusive, libre et transparente, la gestion efficace de la pandémie pour l’éradiquer avant la fin de l’année pour permettre aux guinéens de voter le plutôt possible dans la sécurité sanitaire, seraient nécessaires.
La prise d’une décision contraire à la première, c’est-à-dire aller aux élections avant l’enregistrement du cas zéro de Covid-19, il va s’en dire que des solutions en conformité avec la situation s’imposeraient. Des campagnes électorales sans meeting à travers l’utilisation exclusive les médias pour les campagnes, la désinfection des centres de vote et du matériel électoral, le port obligatoire du masque, le lavage obligatoire des mains, la distanciation entre les électeurs, la limitation du nombre d’électeurs à la fois dans les bureaux de vote et la libération immédiate des lieux après le vote, devront être entre autres mesures à respecter pour protéger les citoyens.
Article produit par friaguinee.net sur initiative de Search For Common Ground en collaboration avec le NDI (National Démocratic Institute) sur financement de l’USAID