Beaucoup de commentaires passionnés ont été entendus à propos dudit arrêt. En tant que juriste, je me sens obligé de faire certaines observations :
C’est un arrêt suspensif qui intervient à la veille d’une élection majeure, l’élection présidentielle du 18 Octobre prochain.
C’est également un arrêt qui intervient dans un contexte d’évolution du droit positif guinéen, changement de constitution. Dans ces conditions, toutes les lois et tous les règlements doivent se conformer à la constitution (voir articles 103, 104 et 105 de la constitution du 22 mars relatifs aux contrôles de constitutionnalité).
Ce qui veut dire que dès lors qu’une nouvelle constitution est établie, l’ensemble des lois du pays doivent être conformes à la norme suprême qu’est la CONSTITUTION.
C’est dans ce cadre que la nouvelle Assemblée avait commencé à revoir les dispositions de certaines lois organiques qui régissent la vie publique institutionnelle. Cependant, si la constitution est supérieure aux lois organiques et aux règlements, les lois supra-nationales (c’est-à-dire les conventions et protocoles internationaux auxquels la Guinée est partie) peuvent avoir une supériorité sur la constitution sous condition de “réciprocité”, c’est-à-dire si les autres pays partis acceptent la même condition de supériorité.
Et l’article 2 du protocole additionnel au protocole N°11 de la cedeao sur les élections et la gouvernance stipule :<<Aucune réforme substantielle de la loi électorale ne doit intervenir dans les six (6) mois précédant les élections, sans le consentement d’une large majorité des acteurs politiques>>.
Or, l’on sait que la nouvelle constitution a été promulguée le 14 avril et que l’assemblée nationale a commencé ses travaux le 21 du même mois. Entre cette date et la date du 18 Octobre, date de l’élection présidentielle, cela ne fait pas 6 mois pour pouvoir modifier et conformer le code électoral à la nouvelle constitution qui a fixé à son article 42 les conditions pour être candidat aux élections dont une de celles-ci est le parrainage des électeurs.
On sait également que les principaux partis d’opposition ont boycottés les élections législatives et par voie de conséquence ils ne sont pas d’accord avec la révision du code électoral, seule condition de CONSENSUS posée à l’article 2 du protocole de la CEDEAO pourque la modification puisse se faire. Ce qui veut autrement dire qu’il n’y a pas eu de consensus pour reformer le code électoral. C’est pour cette raison, pour éviter des conflits pré-électoraux, l’Assemblée nationale a décidé de surseoir à la modification du code électoral.
C’est pour dire que l’arrêt de la cour constitutionnelle est tout à fait légitime et conforme à la pratique du droit. Si elle ne prenait pas une telle décision, on pourrait assister à un flou juridique sur les conditions de candidature. Est-ce appliquer les conditions de l’ancienne constitution au travers du code électoral ou celles posées dans la nouvelle ? et si cette condition de parrainage était acceptée pour cette élection, beaucoup de candidats, notamment les “petits”, allaient se voir exclure du processus démocratique, chose qui n’est pas normale.
De ce point de vue, l’arrêt de la Cour est une décision conforme au droit et c’est une décision de bon sens.
Alexandre Naïny BERETE