Genève, 28 septembre 2020
« Alors que nous commémorons les événements tragiques du 28 septembre en Guinée, le Fonds Mondial pour les Survivant.es appelle le gouvernement de Guinée à respecter son engagement et à procéder immédiatement à l’organisation du procès et à la mise en place d’un programme de réparation pour les survivantes des violences sexuelles, et les victimes d’autres crimes, commis au stade du 28 septembre, il y a plus de dix ans. Une justice retardée est une justice refusée », a déclaré Dr Denis Mukwege, Lauréat du Prix Nobel de la Paix et Président du Conseil d’Administration du Fonds mondial pour les survivant.es. « Les survivant.es de viols et les victimes des autres crimes qui ont eu lieu le 28 septembre 2009 ne doivent plus attendre pour obtenir reconnaissance, satisfaction et réparation. »
La Secrétaire exécutive par intérim du Fonds mondial pour les survivant.es, Esther Dingemans, a déclaré que les survivantes de violences sexuelles continuent de subir des traumatismes et de faire face à d’importants obstacles à leur réhabilitation et réintégration dans la société. Partout dans le monde, les conséquences des violences sexuelles sont dévastatrices. Nombre de survivant.es perdent leur travail, sont rejetées par leurs communautés et parfois par leurs propres familles. Les réparations pour les violations qu’elles ont subies donneront aux survivantes un sentiment de reconnaissance, de satisfaction et de justice.
Dans la mesure où les survivantes en Guinée attendent en vain des réparations depuis plus de dix ans, le Fonds mondial pour les survivant.es a décidé de mettre en œuvre un projet, avec ses partenaires nationaux, l’Association des victimes, parents et amis du 28 septembre (AVIPA) et l’Organisation guinéenne des droits de l’homme et du citoyen (OGDH). Le projet se concentre sur l’octroi de mesures de réparations provisoires aux survivantes et vise à soutenir l’engagement de l’État à mettre en place une politique de réparation.
Ce projet a été entièrement co-créé avec les survivantes elles-mêmes. Elles ont salué l’initiative et ont dirigé la conception et la mise en œuvre du projet, qui inclut des indemnisations, des formations aux moyens de subsistance, un soutien médical et psychologique, notamment. Pour plus d’informations sur le point de vue des survivantes et sur la portée et l’impact du projet, veuillez regarder cette vidéo (versions courte et longue).
« Nous espérons que ce projet pilote soutenu par le Fonds mondial pour les survivant.es aura également un effet catalyseur et incitera le gouvernement de Guinée à procéder sans plus attendre à l’organisation du procès et à la mise en place d’un mécanisme de réparation en fonction des besoins et des attentes des survivantes », a déclaré Karine Bonneau, Responsable de programmes pour le Fonds.
Contexte
Le 28 septembre 2009, environ 50 000 personnes se sont rassemblées au Stade du 28 Septembre et ses environs à Conakry pour protester contre l’extension du régime de la junte militaire. Le chef de la junte, Moussa Dadis Camara, a répondu en envoyant des membres de l’élite de la Garde présidentielle et d’autres membres des forces de sécurité, dans l’intention de disperser violemment les protestations et de réprimer toute nouvelle dissidence.
En entrant dans le stade, les forces armées ont ouvert le feu sans discernement sur des civils non armés, ce qui, selon la Commission d’enquête internationale qui a suivi, a entraîné le meurtre de 157 personnes. Simultanément, les forces se sont livrées à des violences massives et cruelles contre les manifestants, notamment des passages à tabac, des actes de torture, des disparitions forcées et des violences sexuelles. Selon le rapport de la Commission d’enquête internationale, au moins 109 femmes ont été violées et ont subi d’autres violences sexuelles telles que l’esclavage sexuel.
Une enquête pénale nationale a été ouverte en 2010 et close en 2017. 13 personnes ont été poursuivies, parmi lesquelles 11 ont été déférées devant le tribunal pénal, dont des hauts fonctionnaires passés et présents, y compris l’ancien chef de la junte militaire. Le procès n’a toujours pas été organisé à ce jour.
En application du Communiqué conjoint entre les Nations unies et la Guinée en 2011, le gouvernement guinéen s’est engagé à organiser le procès du 28 Septembre, et en conséquence l’Equipe d’Experts des Nations Unies sur l’Etat de Droit / Violences Sexuelles dans les conflits a dépêché un représentant pour soutenir la phase d’instruction. Un Comité de pilotage pluri partite a été établi pour organiser le procès et créer un fonds d’indemnisation pour les victimes mais il n’a pas été réuni depuis plusieurs mois.