France : un poète guinéen dit « préférer la mort » que de retourner en Guinée

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Après un parcours exemplaire, le jeune écrivain de 19 ans, Falmarès, vient de recevoir un avis d’expulsion de la préfecture de Loire-Atlantique. Il entame lundi une grève de la faim qui devra, dit-il, le conduire à son intégration, « ou à la mort ». Falmarès, né Mohamed Bangoura, le 19 décembre 2001 à Conakry en Guinée. Est un jeune poète d’expression française et actuellement lycéen en classe de terminale Logistique au CFA AFTRAL de Sainte-Luce Sur Loire à Nantes.

En 2016, âgé seulement de 14 ans, il quitte la Guinée après la disparition de sa mère et d’autres événements familiaux douloureux. Après avoir traversé le Mali, il travaille six mois sur un chantier en Algérie à Alger et Blida. Au lieu de le payer, son patron le confie à des inconnus pour l’envoyer en Libye. Sur place, il passe trois mois à Gibraltar. Victime de violences physiques et psychiques, il finit par embarquer sur un zodiac de sept (7) mètres où sont entassés 180 personnes direction l’Italie.

Arrivé en Italie, dans le camp pour « migrants » de Bolzano, il commence à écrire ses premiers vers en français. Au départ, il écrit non par passion mais pour « trouver le sommeil », il écrit la nuit et se relit ses propres poèmes pour s’endormir. Il rejoint la France en passant par Paris puis Nantes. Rapidement, il se rend dans les bibliothèques, rencontre le poète Michel L’Hostis et participe à des rencontres littéraires. Très vite, il est publié dans trois revues de poésie.

Aux fatidiques 18 ans, l’épée de Damoclès d’une expulsion a été son cadeau : « La préfecture me demande un passeport guinéen ». Une formalité impossible à accomplir pour le jeune homme qui a fui son pays.

Ô Bretagne ! Bel est cet été, bel est ton été. Tes kilos de lumières sur un nègre ; Le Morbihan dans ton sein, L’amour dans ton cœur. Un nègre t’admire »

C’est à Vannes, le soir de la fête de la musique de 2018, qu’il rencontre Joëlle et Armel Mandart des éditions Les Mandarines. En novembre 2018, à l’âge de 16 ans, il publie Soulagements, son premier recueil de poèmes (éd. Les Mandarines) avec la préface de Michel L’Hostis, poète nantais. Falmarès est alors souvent sollicité pour raconter son histoire et ses poèmes. Deux ans plus tard, à 18 ans, il publie Soulagements 2, son deuxième recueil de poésie aux même éditions que le premier, qui a un très bon écho dans la presse locale et nationale. Un recueil préfacé par la poétesse vannetaise Marylise Leroux. Un travail salué par le poète Nimrod. Ensuite il rencontre et lie l’amitié avec Joseph Ponthus auteur du célèbre roman « A la ligne, Feuillets d’usine » aux éditions de la Table ronde.

En 2020, Falmarès est nommé Ambassadeur de la paix entre France et Suisse.

Son troisième recueil devrait être publié au cours de l’année 2021. A la même année Falmarès reçoit « Prix Lycée » un concours de poésie organisé par l’association Europoésie en partenariat avec l’UNICEF. Il a été sélectionné 2021 comme membre du jury par le festival Étonnants Voyageurs.

Du déracinement et de l’isolement, Falmarès a tiré sa force. Le jeune migrant de 17 ans a trempé sa plume dans la peur et la peine pour noircir d’espoir les pages d’un recueil de poèmes qui prend aux tripes. « Soulagements » est un baume aux plaies de l’âme, à mettre entre toutes les mains. Il dédicacera son ouvrage au sein de son lycée, le mardi 29 janvier.

Falmarès a publié son premier recueil de poésies, « Soulagements », tiré à 500 exemplaires par la maison d’édition de Brec’h, Les Mandarines, créée par Joëlle et Armel Mandart.

« On naturalise bien les footballeurs, pourquoi pas les poètes ? » plaide Joëlle Mandart, qui veut croire que la sensibilité poignante de Falmarès, ses associations jubilatoires et son invitation à l’émerveillement seront des preuves suffisantes de sa « phénoménale intégration ».

Il se déplace comme s’il glissait, un mince sourire aux lèvres, accrochant au loin son regard au vôtre. On y perçoit une étonnante clairvoyance, pour un gamin qui sort à peine de l’adolescence. Les épreuves de la vie ont fait grandir Falmarès plus vite. « Ma mère est morte dans mes bras, Dans l’amour, dans la gaieté et la félicité ; De ses enfants. Comme un vieil entonnoir de deux ans. Partie, sans dire au revoir, En un si long voyage sans retour ». Le phrasé est possédé, il frappe comme un marteau, au rythme de mots qui laissent un vide captivant à chaque silence. Falmarès est un poète qui s’est écrit tout seul. Né en 2001 en Guinée-Conakry, il a grossi le flot de ces déracinés qui échouent un jour sur un bout de terre loin de chez eux, repoussés par les vents mauvais de la guerre ou de la misère.

Écrire pour pouvoir lire et se sauver

Mineur non accompagné, Falmarès ne se présentera que sous ce nom. Du sympathique sobriquet dont l’apostrophait l’un de ses camarades, il a fait sa signature. Pour le reste, il n’est guère prolixe. Ne veut pas raconter les routes cahoteuses, les matins glacés, les soirs abandonnés d’espoir. Il dit : « Lisez d’abord ma poésie. Tout est là ».

Tout y est en effet. Par épisodes : la perte, de deuil, la route, l’écriture en Italie… Un passage important dans la vie du jeune homme, au point qu’il accepte de laisser dormir les vers pour nous narrer « comment » et « pourquoi » sur la terre : « C’est là-bas que j’ai vraiment commencé à écrire. Je suis passé par des moments difficiles. Je crois que j’ai été sauvé par l’écriture. Ça m’a donné envie de continuer à vivre. C’est arrivé en Italie, sur le chemin vers la France. On se trouvait dans un endroit pas très confortable, dans l’attente… J’ai ressenti le besoin de lire. C’était très fort. Mais il n’y avait aucun livre. Alors, je me suis mis à écrire, encore et encore. Je pouvais passer mes nuits à écrire, si je ne trouvais pas le sommeil. Et je lisais ensuite ce que j’écrivais ».

Falmarès édite son deuxième recueil aux éditions Mandarines. Il peut compter sur le soutien de Joëlle et Armel Mandart, ses éditeurs, pour enraciner sa poésie en Bretagne.

Les premières pages de Soulagements sont nées à ce moment. Notamment le poème « Quand j’aurai une enfant ». Oui, une. Plus tard, accueilli en France et d’abord à Nantes, Falmarès a poussé la porte des médiathèques comme un naufragé affamé qui découvre les clés du garde-manger. Il a tout dévoré. « Je connaissais bien avant la poésie mais j’ai découvert le vrai sens des vers à travers la lecture. Puis, ma professeure de Français m’a lu Rimbaud et Le dormeur du Val. Ça résonnait en moi. J’ai ensuite découvert la force des textes d’Homère, de Virgile… ».

Ses textes à l’incantatoire musicalité naissent toujours de son écriture appliquée. Parce que la main donne une autre saveur aux mots que l’ordinateur, étape ultime. Comme une sorte de journal intime d’août 2018 à décembre 2019, quarante poèmes naviguent entre souvenirs et impressions présentes, entre sa Guinée natale et les saisons de sa Bretagne d’adoption, sa découverte de Lourdes ou les lumières de Paris.

Pratique

« Soulagements », aux éditions Les Mandarines, Kergouarec. Brec’h. Tél. 02 97 24 56 43. Courriel : lesmandarines56@orange.fr. Falmarès dédicacera son recueil de poésie au lycée professionnel Jean-Guéhenno, 79 avenue de la Marne à Vannes, mardi 29 janvier, de 12 h 45 à 13 h 30.

Ouest-France

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