Musa Balde, un Guinéen de 23 ans, s’est donné la mort dans la nuit de samedi à dimanche dans un centre de rétention pour étrangers à Turin, en Italie. Le jeune homme, retrouvé pendu, avait été violemment roué de coups par trois Italiens à Vintimille, ces derniers jours. A sa sortie de l’hôpital, il avait été transféré dans le CRA de Turin où il avait été placé à l’isolement.
Les associations disent avoir tout fait, en vain, pour venir en aide à Musa Balde, un migrant de 23 ans présent jusqu’à récemment dans la région de Vintimille, en Italie. Ce jeune Guinéen, décrit comme une personne instable et régulièrement ivre dans les rues de Vintimille, s’est donné la mort dans la nuit de samedi à dimanche 23 mai dans l’enceinte du Centre de détention et de rapatriement de Turin (CPR, équivalent des centres de rétention administrative en France, antichambre aux expulsions des étrangers). Musa Balde a été retrouvé pendu à l’aide de ses draps.
Une « terrible nouvelle » selon plusieurs associations, dont Projetto 20k et l’ONG We World, qui dénoncent la responsabilité de l’Etat italien dans le triste sort de ce migrant « vulnérable psychologiquement » présent depuis quatre ans en Italie et dont la demande d’asile avait été rejetée.
La situation de Musa Balde, sous le coup d’une procédure d’éloignement du territoire depuis mars, s’était rapidement détériorée ces derniers jours. Le 9 mai dernier, il avait été passé à tabac par trois hommes italiens dans les rues de Vintimille, ville italienne proche de la frontière française. Selon la police, qui a exclu tout motif raciste, l’agression avait fait suite à la tentative du migrant de voler le portable d’un de ces trois hommes dans un supermarché.
L’homme en question et ses deux acolytes avaient par la suite fondu sur Musa Balde à la sortie du magasin et l’avaient roué de coups à l’aide de barres, de bâtons, de tuyaux en plastique, de leurs poings et de leurs pieds.
La scène – très violente au point d’être décrite dans les médias italiens comme digne du film « Orange mécanique » de Stanley Kubrick dans lequel un SDF est tabassé en pleine rue – a été filmée par des habitants à leur fenêtre et postée sur les réseaux sociaux. Une enquête a été ouverte.
Hospitalisation et placement en rétention
Suite à cette agression, Musa Balde a été transporté à l’hôpital de la ville de Bordighera pour y être soigné pour plusieurs blessures ayant entraîné un repos de 10 jours.
C’est à partir de cette hospitalisation que les associations disent avoir perdu la trace de l’intéressé. « Beaucoup de personnes et de bénévoles d’associations ont tenté de le trouver », explique Jacopo Colomba de l’ONG We World, contacté par InfoMigrants. « À l’hôpital, il était enregistré comme patient inconnu et nous-mêmes n’avions ni son nom ni son prénom. » Au terme de leurs recherches, les humanitaires apprennent que Musa Balde a été transféré dans le CPR de Turin.
« Avec des associations, des psychologues et des avocats de Turin, nous avons alors essayé d’entrer en contact avec lui », dit encore Jacopo Colomba, qui dénonce une mauvaise volonté flagrante, selon lui, affichée par les autorités du centre. « La directrice du centre nous a d’abord dit qu’il n’y avait aucune personne guinéenne de cet âge-là dans le centre. Puis, quelques jours plus tard, enfin, un avocat a pu le rencontrer à l’intérieur du centre. »
L’avocat lui transmet alors un message d’espoir : à l’extérieur, « il y a du monde qui veut l’aider ». Mais pour Musa Balde, c’est déjà trop tard. « Selon l’avocat, il était déjà très faible et surtout il était à l’isolement. Il n’était visiblement pas bien soigné ni bien suivi dans ce centre », poursuit Jacopo Colomba, qui déplore de nombreuses « zones d’ombre » dans cette affaire.
« Musa Balde n’a jamais été ausculté par un docteur » malgré ses demandes
Le collectif « Rete No Cpr » (« Réseau sans CPR »), habitué à dénoncer les conditions « inhumaines » de rétention dans cet établissement au point d’en demander la fermeture, a de son côté publié un communiqué dans lequel il cite un co-détenu du jeune Guinéen.
« Selon le témoignage d’un garçon, Musa Balde n’a jamais été ausculté par un docteur ou par un membre de l’équipe médicale du CPR [durant son séjour], et ce malgré le fait qu’il témoignait de signes clairs de souffrances causées par les blessures sur son corps », a affirmé le collectif. « Le garçon [qui a témoigné] a indiqué qu’après sa mise à l’isolement, pour des raisons qui ne sont pas claires, il l’avait entendu crier et demander à ce qu’on appelle un docteur sans jamais recevoir de réponse. »
Dimanche matin, la nouvelle de la mort de Musa Balde a provoqué un vent d’indignation dans les couloirs du centre. Certains des retenus ont démarré une grève de la faim. À l’extérieur des murs du centre, un groupe de personnes s’est également rassemblé dimanche soir pour « hurler leur colère », écrit encore le collectif Rete No Cpr.
La situation des migrants dans la ville de Vintimille, où nombre d’entre eux viennent en transit dans l’espoir de passer en France, fait l’objet de vives critiques. Depuis le démantèlement, en août dernier, du camp de migrants « Roya » géré par la Croix Rouge, plus aucune structure ne vient en aide aux exilés à la rue. Récemment, les autorités italiennes ont annoncé qu’un ancien couvent pourrait représenter la seule solution d’hébergement pour ces personnes… mais son ouverture pourrait prendre plus d’une année.
Avec Infomigrants