En Afrique, la question ethnique demeure l’un des problèmes les plus cruciaux de l’heure.
Selon Jean François Bayart, elle affecte la vie politique du continent d’une manière telle qu’elle a tendance à déterminer la nature même du pouvoir dans l’Etat en Afrique. Sans pour autant tarder sur l’historique de l’ethnocentrisme, il convient de souligner que le phénomène est le fruit d’un processus d’évolution. Selon de nombreux témoignages historico-ethnologique, la question ethnique prend ses racines dans les anciennes structures sociopolitiques précoloniales. M’bokoko souligne que l’État national sous sa forme idéale recouvrant une formation sociale homogène et consciente de son identité n’a pas été le type d’organisation politique le plus rependu en Afrique. Cela montre éloquemment une Afrique ancienne constituée d’État pluriethnique.
Mais ces ethnies ne manifestaient leur solidarité que dans un réflexe de défense collective du territoire en cas d’attaque. Si ces différences ethniques furent largement exploitées par les colonisateurs pour mieux assoir l’appareil d’oppression colonial, elles furent aussi paradoxalement exacerbées au lendemain des indépendances.
En première approximative, l’ethnicité est définie comme étant un phénomène naturel qui regroupe en son sein des groupements de famille dans une aire géographique variable dont l’unité repose sur une structure familiale, économique et sociale commune et sur une culture commune. Il se distingue par la culture, la langue, les mœurs, les religions et le passé historique. Le plus souvent, ce groupement humain a une attitude qui consiste à s’accorder une place centrale par rapport aux autres groupes, à valoriser positivement ses relations et particularisme et menant à un comportement projectif à l’égard des autres ethnies. Ces comportements sont interprétés à travers leur mode de pensée. En Afrique, tout comme ailleurs, l’ethnie apparait comme une perception plus ou moins claire des phénomènes qui nous enseignent sur notre propre existence. Elle peut être considérée comme une boite emboitante dans la vie politique africaine parce qu’elle demeure l’une des contraintes la plus forte qui puisse peser lourdement sur la détermination de l’individu dans la vie politique.
Qu’on parle donc de l’ethnie ou non, intérieurement ou consciemment parlant chacun de nous sait qu’il est originaire d’une ethnie qui le différencie de tous les autres individus issus d’une autre ethnie et par conséquent, on n’est tenu selon la tradition d’obéir la structure du moins les principes de l’ethnie dont on appartient. Le fait d’avoir cette idée ou pensée constitue déjà une perception plus ou moins claire des phénomènes qui nous enseignent sur notre propre existence. De nos jours, l’idée de l’ethnicité n’est qu’une idéologie unificatrice au niveau d’une fraction des élites qui cherchent à exercer une pression sur le pouvoir public afin d’obtenir d’eux soit des décisions conformes à ses intérêt, soit le pouvoir politique ou public. Généralement, surtout en Afrique, les élites ne peuvent exercer ces pressions sur le pouvoir public qu’en se servant souvent des groupes ethniques.
C’est pourquoi partout en Afrique les partis politiques sont créés et organisés à l’image des groupes ethniques. Le pouvoir public une fois acquis ou obtenu par les élites alors organisateur des partis politiques, qui ont utilisé l’idée de l’ethnicité se fait entourer par des personnes de son ethnie. Le rôle de ces personnes recrutées par affection dans les services administratifs laisse souvent à désirer. Elles remplissent d’abord leurs propres poches ensuite servir le président du pouvoir public et son ethnie. Ainsi, les autres ethnies bénéficient difficilement les ressources économiques du pays. Ces désavantages énormes affectent sans nul doute les régions les plus défavorisées dans tous les aspects de la modernisation.
A cet effet, les individus appartenant à ces ethnies défavorisées pour une question d’intérêts se révolteront contre le pouvoir en place ou se dirigeront vers les personnes du moins les ethnies qui ont le pouvoir. Dans certaines circonstances, c’est toute une ethnie alignée derrière leur leader qui s’associe à l’ethnie qui a le monopole du pouvoir public, parce qu’elle sait que le pouvoir de l’Etat est un instrument de domination et d’enrichissement. La fusion des partis politiques crées et organisés à l’image des ethnies différentes s’inscrit dans le cadre de l’amélioration des conditions de vie de chacune d’elles. Dans ce cas précis, l’accent n’est pas tellement mis sur l’appartenance à une culture encore moins à une religion. C’est le pouvoir qui est le plus visé dans ce domaine, parce qu’on sait qu’il est un instrument d’enrichissement. C’est pourquoi en politique, l’ethnie est considérée comme un phénomène changeant. Autrement dit, l’ethnie est un phénomène fluide qui change en fonction de l’évolution de la société et du temps. C’est justement à cause de cette fluidité que l’ethnicité est considérée comme une conscience sans structure. Elle est une conscience, parce qu’elle demeure une perception plus ou moins claire des phénomènes qui nous enseignent sur notre propre existence. Elle nous permet également de voir certaines caractéristiques qui nous distinguent des individus issus d’autres ethnies. Ces caractéristiques sont entre autres : La résidence dans une même aire géographique, l’unité reposée sur une structure familiale, économique, sociale et culturelle commune. Par contre, elle devient sans structure à partir du moment où un individu appartenant à une ethnie s’insérera dans un autre groupe ethnique différent de son groupe ethnique d’origine à cause des intérêts ou l’affection qu’il a pour la culture d’une autre ethnie. Cette insertion dans un autre groupe ethnique s’explique par le fait que l’individu n’est pas soit en mesure de trouver auprès de son ethnie tout ce dont il a besoin pour s’épanouir, soit parce qu’il n’est pas capable d’assimiler la totalité des traits culturels de son ethnie.
Ce changement des valeurs culturelle, morale et religieuse est le fruit du changement du milieu. Cette fuite vers une autre ethnie n’est pas un phénomène spécifique à un individu seulement. Elle s’explique souvent à un groupe ethnique tout entier. Surtout à ce groupe ethnique qui est conscient que ce changement peut l’aider à pallier l’insuffisance de ses productions. C’est en tenant compte de tous ces rôles déterminant que peuvent jouer les ethnies dans la vie politique, économique et culturelle de l’homme que les colonisateurs se sont servis de la politique diviser pour régner pour imposer sa domination. La conception qui prônait que l’accession au pouvoir dépendait du statut social de la famille est désormais contesté.
Certaines familles fondatrices et régnante jadis respectées et chargées de diriger les sociétés ou les communautés sont rejetées par les colonisateurs et luttées par les autres ethnies soit parce qu’elles constituaient un obstacle pour les intérêts des puissances coloniales, soit parce que les autres ethnies corrompues par les puissances coloniales voulaient elles aussi avoir le monopole du pouvoir politique à la place des ethnies destituées.
L’éviction de certaines ethnies naguère royale s’est soldée par une querelle interethnique. C’est en se servant encore à nos jours aux ethnies que les nouveaux dirigeants africains et les leaders des partis politiques renforcent leur pouvoir politique.
Moussa Kourouma