Après les « Panama papers », une nouvelle enquête des médias de l’ICIJ révèle que plusieurs chefs de gouvernement ont placé des avoirs dans des sociétés offshore, notamment pour échapper à l’impôt dans leur propre pays. Parmi les personnalités incriminées : le Premier ministre tchèque, le roi de Jordanie ou encore l’ancien Premier ministre britannique, Tony Blair.
C’est une enquête tentaculaire qui devrait à nouveau faire grand bruit : plusieurs dirigeants, dont le Premier ministre tchèque, le roi de Jordanie ou les présidents du Kenya et de l’Équateur, ont dissimulé des avoirs dans dans des sociétés offshore, notamment à des fins d’évasion fiscale, selon une enquête publiée, dimanche 3 octobre, par le Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ).
L’enquête baptisée « Pandora Papers », à laquelle ont collaboré environ 600 journalistes, s’appuie sur quelque 11,9 millions de documents, qui proviennent de 14 sociétés de services financiers, et a mis au jour plus de 29 000 sociétés offshores.
« C’est une aventure gigantesque. C’est la première fois que l’ICIJ réunit 600 journalistes dans 117 pays », détaille sur l’antenne de France 24 Jacques Monnin, chef de la cellule investigation de Radio France. « Nous avons eu un accès inédit à ce que représente l’évasion, la fraude ou l’optimisation fiscale dans le monde. »
Selon ces documents, le roi Abdallah II de Jordanie a créé au moins une trentaine de sociétés offshore, c’est-à-dire dans des pays ou territoires à fiscalité avantageuse.
Par le biais de ces entités, il a acheté 14 propriétés de luxe aux États-Unis et au Royaume-Uni, pour plus de 106 millions de dollars.
Quant au Premier ministre tchèque, Andrej Babis, il a placé 22 millions de dollars dans des sociétés-écrans qui ont servi à financer l’achat du château Bigaud, une grande propriété située à Mougins, dans le sud de la France.
« Je n’ai jamais rien fait d’illégal ou de mal », a réagi Andrej Babis depuis son compte Twitter, « mais cela ne les empêche pas d’essayer de me dénigrer et d’influencer les élections législatives tchèques », prévues vendredi et samedi prochains.
Le président équatorien, Guillermo Lasso, a lui logé des fonds dans deux trusts dont le siège se trouve aux États-Unis, dans le Dakota du Sud.
Apparaissent aussi les noms de l’ancien Premier ministre britannique Tony Blair, qui a réalisé l’achat d’un bien immobilier à Londres par le biais d’une société à l’étranger, et de l’ancien ministre français Dominique Strauss-Kahn.
L’ancien directeur général du Fonds monétaire international (FMI) a fait transiter plusieurs millions de dollars d’honoraires de conseil à des entreprises par une société marocaine exempte d’impôts, selon les documents examinés par l’ICIJ.
Discours anticorruption
Dans la plupart des pays, ces faits ne sont pas susceptibles de poursuites. Mais dans le cas des dirigeants, l’ICIJ met en parallèle le discours anticorruption tenu par certains d’entre eux avec leurs placements dans des paradis fiscaux.
Le président kényan, Uhuru Kenyatta, a ainsi maintes fois affirmé sa détermination à lutter contre la corruption dans son pays et à obliger les officiels kényans à la transparence quant à leur patrimoine.
Pourtant, selon le volet des « Pandora Papers » qui lui est consacré, le chef de l’État kényan possède une fondation au Panama et plusieurs membres de sa famille directe possèdent plus de 30 millions de dollars logés dans des comptes offshore.
Créé en 1997 par le Centre américain pour l’intégrité publique, l’ICIJ est devenu une entité indépendante en 2017.
Son réseau compte des journalistes d’investigation dans plus de 100 pays et territoires, ainsi que quelque 100 médias partenaires.
L’ICIJ s’est fait connaître, début avril 2016, avec la publication des Panama Papers, une enquête appuyée sur quelque 11,5 millions de documents provenant d’un cabinet d’avocats panaméen.
Ils détaillaient les avoirs cachés de milliers de clients de Mossack Fonseca, dont des personnalités de premier plan.
L’onde de choc qu’a provoqué cette publication a notamment entraîné la démission du Premier ministre islandais Sigmundur David Gunnlaugsson et du chef du gouvernement du Pakistan Nawaz Sharif.
L’affaire a fait l’objet d’une adaptation cinématographique par le réalisateur Steven Soderbergh, « The Laundromat : l’affaire des Panama Papers », pour la plateforme Netflix.
En novembre 2017, l’ICIJ a publié les « Paradise Papers », basé sur une nouvelle série de documents dont une bonne partie émanait d’un autre cabinet spécialisé dans les montages financiers, Appleby.
Parmi les grands noms dont cette enquête a mis en avant les manœuvres pour dissimuler des avoirs et échapper à la fiscalité, figuraient le prince Charles, le champion de Formule 1 Lewis Hamilton ou encore le groupe Nike.
Avec AFP