Le 5 Septembre 2021, le colonel Mamadi Doumbouya arrache le pouvoir des mains d’Alpha Condé. «Or, justifie le Chef des forces spéciales, c’est parce que le respect de notre dignité est bafoué depuis 1958 par une minorité qui confisque le pouvoir et ses avantages économiques que nous avons pris l’initiative, convoqués par le sens du devoir, de créer les conditions d’un nouveau départ politique et social.»
En Guinée, l’échec des transitions démocratiques antérieures s’expliquent par la prise de décisions politiques anti-démocratiques sous les régimes de Lansana Conté et Alpha Condé. Ces décisions sont bien connues des Guinéens : violation de la constitution, absence du principe de la séparation des pouvoirs, mauvaise gouvernance, manque de dialogue entre le pouvoir et l’opposition, élections truquées, crises postélectorales, etc.
Si Alpha Condé, le président déchu par un coup d’État le 5 septembre 2021, avait quitté le pouvoir en 2020 en respectant la constitution en vigueur, laquelle a été modifiée parce que limitant le nombre maximal de mandats présidentiels à deux de cinq ans chacun, il se serait nettement démarqué de ses prédécesseurs (Sékou Touré et Lansana Conté).
La huitième édition du lexique des sciences sociales est claire : « le leadership désigne à la fois le statut et le comportement de la personne assurant la conduite du groupe. »
Alpha Condé, l’opposant historique devenu Président en 2010, aurait bien pu être l’homme de la modernisation de la vie politique, l’homme de la rupture. Il a définitivement raté ce rendez-vous historique avec et pour le peuple de Guinée.
Pourtant, tant que les dirigeants n’accepteront pas leur défaite dans les urnes, la transition démocratique échouera en Guinée. L’alternance des dirigeants au pouvoir est non seulement l’oxygène de la démocratie, mais c’est aussi l’un des moyens le plus efficaces pour promouvoir et enraciner la culture démocratique dans un pays.
En effet, pour passer d’un régime autoritaire vers un régime démocratique, les acteurs politiques jouent un rôle exceptionnellement supérieur à celui exercé par les instituions. James Mahoney et Jack Snyder Jack ne disent pas autre chose : « durant les périodes de transition démocratique, l’impact causal des contraintes institutionnelles est souvent mis de côté, ce qui élargit la marge de manoeuvre des acteurs. »
Au Ghana, après avoir été élu en 1992 et 1996, Jerry Rawlings choisira, lui aussi, de s’incliner face à la constitution ghanéenne de 1993 qui limite le nombre de mandats à deux. C’est ainsi que son John Kufuor lui succèdera suite à la présidentielle de 2000.
Si le Benin a pu réussir sa transition démocratique, c’est parce que Mathieu Kerekou, président sortant qui était démocratiquement élu en 2001, a accepté et reconnu la victoire de son adversaire Yayi Boni aux élections de 2006. À son tour, Yayi Boni fera la même chose en 2016 en cédant la place au président actuel Patrice Talon. Tant que les dirigeants n’acceptent pas de perdre, la transition démocratique échouera.
Si la démocratie se porte plutôt bien au Sénégal, c’est considérablement grâce à la vision et à l’exemplarité de ses premiers dirgeants : Léopold Sedar Senghor et Abdou Diouf.
Dans la NBA (championnat de Basket américain), Lebron James a permis à chacune des équipes où il a joué de remporter au moins un titre (Cleveland, Miami, Los Angeles). En sport comme en politique, les vrais leaders font vraiment la différence.
Retour en Guinée. Le 5 Septembre 2021, le colonel Mamadi Doumbouya arrache le pouvoir des mains d’Alpha Condé. «Or, justifie le Chef des forces spéciales, c’est parce que le respect de notre dignité est bafoué depuis 1958 par une minorité qui confisque le pouvoir et ses avantages économiques que nous avons pris l’initiative, convoqués par le sens du devoir, de créer les conditions d’un nouveau départ politique et social.»
À bien écouter les discours du Président de la transition, Mamadi Doumbouya, et suivre attentivement les actions qu’il a posées depuis sa prise du pouvoir (libération de prisonniers politiques, consultations nationales, annonce de l’audit des comptes publics, nomination d’un Premier Ministre, Mohamed Béavogui, dont le parcours force le respect), de plus en plus de Guinéens estiment que l’espoir est permis cette fois-ci.
Par ailleurs, la nuance Mamadou Gazibo est pertinente : « le leadership et la qualité des interactions entre acteurs politiques sont extrêmement importants pour la survie de la démocratie naissante. Mais le simple volontarisme n’est pas explicatif dans la mesure où les acteurs agissent dans des contextes institutionnel, économique et politique qui affectent leur volonté. »
Grosso modo, les Guinéens ont besoin de grands leaders non seulement pendant la période de transition, mais aussi après l’élection du prochain président de la République. Parce que sans de grands leaders, pas d’institutions fortes. Sans institutions fortes, pas d’alternances au pouvoir. Et sans alternances au pouvoir, pas de démocratie.
Ousmane Diallo réside et travaille entre la Guinée et le Canada. Titulaire d’une maitrise en politique comparée de l’université d’Ottawa, il s’intéresse aux questions d’instrumentalisation identitaire, de transition démocratique et de leadership politique sur le continent africain, et plus particulièrement en Afrique francophone.