Retraçons chronologiquement l’arrêt de la démocratie avec tous ses corollaires en Guinée. Tout le monde sait que l’alternance au pouvoir à travers la limitation de mandat a commencé à partir de la loi fondamentale de 1990. Sur la base de cette constitution de 90, qui prévoyait un mandat présidentiel de 5 ans renouvelable une seule fois, le Général Lansana Conté a fait deux mandats, le premier de 1993 à 1998 et le second de 1998-2003, mais curieusement avant la fin du second mandat du Président Conté, des voix en sirène révisionniste pour la continuité ont commencé à se transformer en mélodies à partir de 2000 par les ministres et autres hauts dirigeants du système Conté.
En effet, l’histoire de l’alternance démocratique en Guinée n’a pas commencé à s’écrire en 2010 avec l’avènement du Professeur Alpha Condé au pouvoir. La loi fondamentale de 1990, qui a été d’ailleurs soumise au référendum contrairement à celle de 2010, prévoyait expressément le mandat présidentiel à 5ans et renouvelable une seule fois. Mais très malheureusement aux termes du second mandat du feu Général Lansana Conté, les promoteurs de mandat à vie, la continuité (KOUDHÈISME) à sa tête M. Cellou Dalein Diallo, parrain politique du changement constitutionnel en Moyenne Guinée, ont décidé de pousser le Président Conté à proposer une modification de la constitution pour un mandat désormais de 7ans et renouvelable autant dès fois que possible. C’est-à-dire un référendum à la faveur du nombre de mandats illimités.
Ces messieurs là, qui ont constitutionnalisé le mandat présidentiel à vie, ne peuvent pas se comporter aujourd’hui comme des blancs qui n’ont rien à se reprocher dans le tripatouillage constitutionnel. Ce sont les bourreaux qui ont mis fin au principe de l’alternance démocratique en 2001.
Le changement constitutionnel intervenu en 2001 a mis un coup d’arrêt à la démocratie et ostracisé le pays. Alors, qu’on l’admet ou pas, cette modification de la constitution en 2001 est à l’origine du référendum constitutionnel du 22 mars 2020. Parce que les promoteurs du KOUDHÈISME ont estimé que le Président Lansana Conté est un bon président dont il fallait lui accorder de mandat à vie comme l’a d’ailleurs affirmé sur les antennes de France24 M. Cellou Dalein Diallo; dans la même logique, ceux qui ont soutenu le référendum de 2020, ont aussi estimé le Professeur Alpha Condé était un excellent Président dont il fallait accorder un nouveau mandat à lui pour continuer à bâtir une Guinée forte et émergente.
Donc, il ne faudrait pas que nos bourreaux de 2001 soient les innocents d’aujourd’hui en portant des boubous blancs comme neige et en faisant porter aux promoteurs du référendum de 2020 des boubous noirs ou rouges, tandis que nous avons vu ce changement constitutionnel à eux pour un Président de la République. On n’acceptera pas. En réalité, si on n’assistait pas à cela en 2001, la Guinée n’en serait pas là aujourd’hui démocratiquement et personne, je dis bien personne, n’allait demander le référendum en 2020.
Selon les scientifiques, il n’y a pas un fait sans origine. Si tel est fait, c’est parce que l’autre a été fait.
Le malheur de l’alternance démocratique en Guinée ne date aujourd’hui, c’est depuis 2001, et qui a mis non seulement à l’arrêt la démocratie dans notre pays mais aussi entraîné des conséquences désastreuses et indénombrables en perte en vie humaine et des dégâts matériels importants .
Je cite quelques-unes :
1- une constitution adoptée et taillée sur mesure avec 7 ans de mandat présidentiel et illimité en faveur d’un Président maladif qui a voté assis dans son véhicule;
2- l’arrêt immédiat des activités de développement dans le pays;
3- l’ouverture au boulevard d’enrichissements illicites, de corruption, de détournements des deniers publics…;
4- une personnification du pouvoir ;
5- les tueries de 2006;
6- les événements malheureux de janvier- février avec plus de 200 personnes tuées surtout au niveau du huit novembre ;
7- la mort d’un président malade laissant un boulevard à l’armée;
8- un nouveau coup d’état par l’armée ;
9- les événements malheureux du 28 septembre avec plus de 300 morts…
Et le changement constitutionnel de 2020 est également l’une des conséquences du référendum de 2001, dont Cellou Dalein Diallo grand promoteur et contributeur de cette modification. À noter que 2001 est encore très très récent qu’on ne peut pas sauter ou oublier dans l’histoire de notre pays. C’est comme si c’était hier encore.
En Guinée, le changement constitutionnel en faveur d’un président a été vu à Cellou Dalein Diallo et autres en 2001, ça n’a pas commencé en 2020. On connaît l’histoire de la Guinée et on se connaît bien entre nous ici.
Contrairement au changement constitutionnel de 2001, le référendum de 2020 était prévu dans les accords de Ouagadougou. Tout le monde le sait à commencer par les politiques qui ont signé ces accords.
Dès lors, l’organisation du référendum était autorisé pour le candidat qui gagnera l’élection présidentielle de 2010. Une fois élu, selon les accords de Ouaga, le nouveau président proposera une constitution au peuple pour le référendum mais sans que la date de la tenue de celle-ci ne soit indiquée expressément. Étant donné que la constitution de 2010 n’était pas une constitution au vrai sens du terme; c’était juste un arrangement textuel qu’on peut qualifier de « CONVENTION » sur la base du consensus. Le caractère ni légal ni légitime n’y était, donc il fallait une nouvelle constitution après qui sera soumise au vote et ce qui fut fait en 2020. Donc, il n’y a rien de crime contrairement à la modification constitutionnelle à la faveur de mandat présidentiel à vie.
Alors, d’une manière ou d’une autre le président Alpha Condé était bel et bien en droit de proposer une nouvelle constitution au peuple de Guinée, au contrairement à ceux qui ont poussé le président Conté à la modification, comme Cellou Dalein Diallo et autres promoteurs du KOUDHÈISME.
Pour ceux-là qui demandent au CNRD d’exclure le RPG dans le processus électoral jusqu’à 5ans ont la mémoire d’une poule, parce qu’ils ne connaissent pas l’histoire de ce pays où ils font l’abstraction de soi sur notre passé et pensent qu’exclure le RPG c’est de laisser un enclos de militants sans maître où il faudrait venir régner en maître pour arriver à la tête de la magistrature suprême. Cette délinquance politique ne marchera pas. Le CNRD est un organe composé des hommes avertis et très avisés qui ne se laissera pas emporter par cette campagne des gens qui ont été les premiers à mettre à l’arrêt la démocratie en Guinée.
Si les promoteurs du KOUDHÈISME disent aujourd’hui d’exclure le RPG du processus électoral c’est que c’est le monde qui se renverse, le bon sens a perdu le nord et la raison n’a plus sa place en politique.
Ibrahima KALLO, juriste