La résiliation du bail emphytéotique par l’État guinéen, puis l’expulsion de la famille Damaro sont-elles légales ? (Opinion)

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Il faut tout d’abord préciser que le bail emphytéotique qui liait la famille Damaro à l’Etat guinéen n’a pas été signé par Monsieur Amadou Damaro Camara, il a été plutôt signé par son épouse, du nom de Hadja Mariama Ciré Camara pour une durée de soixante quinze ans (Voir la convention de bail emphytéotique). Mais, qu’est ce que le bail emphytéotique? Par définition, le bail emphytéotique est un contrat par lequel le propriétaire (bailleur) donne au preneur (emphytéote) un droit réel de jouissance (article 17 du Code foncier et domanial) sur un terrain moyennant le versement d’une redevance (article 24 du Code foncier et domanial). En général, la durée moyenne de ce type de contrat varie entre quinze à quatre vingt dix-neuf ans (article 17 du Code foncier et domanial). Ensuite, qu’est ce qui a poussé l’État guinéen a résilié ce contrat de bail emphytéotique?

Enfin, la résiliation prononcée est-elle légale?

Cette présente contribution tentera d’apporter un élément de réponse à toutes ces questions. Le propos consistera dans un premier temps, à identifier les causes de la résiliation du bail emphytéotique par l’Etat (I), avant de voir dans un second temps la légalité de la mesure de résiliation (II).

  • Les causes de la résiliation du bail emphytéotique par l’Etat

Avant tout d’abord, il faut souligner que l’Etat guinéen n’a pas évoqué les causes de la résiliation du bail emphytéotique de la famille Damaro. Mais, en faisant une interprétation littérale des clauses du contrat, on pouvait conclure à une possible résiliation. Plusieurs arguments vont dans ce sens. Dans un premier temps, l’objet du contrat de bail emphytéotique n’est pas clairement identifié. On ne sait pas si le contrat concerne le domaine public ou le domaine privé. Or, cette distinction est cardinale en droit domanial, car le régime juridique n’est pas exactement le même. Il en va ainsi par exemple pour les biens du domaine public qui sont inaliénables et imprescriptibles (art. 101 du code foncier et domanial). Ce qui n’est pas le cas pour les biens du domaine privé, qui sont aliénables. Cette imprécision laisse à entendre qu’il ne s’agit pas d’un bon contrat, mais elle n’est pas déterminante pour prononcer la résiliation litigieuse.

Dans un second temps, dans le contrat de bail emphytéotique, la redevance domaniale était de 12 395 FG (art. 9 de la convention de bail emphytéotique) révisable chaque cinq ans (art. 10 de la convention de bail emphytéotique), soit 1 000 000 FG par mois. Le terrain abrite trois bâtiments servant d’habitation et une toilette (art. 2 de la convention de bail emphytéotique) sur une surface de 1564, 91 mètres carrés (art. 1er de la convention de bail emphytéotique). Imaginer la valeur du bâtiment et la redevance à payer! Le prix à payer était dérisoire par rapport à la valeur du bâtiment. Par conséquent, l’Etat guinéen avait deux solutions: soit réviser le contrat ou soit résilier. Il a choisi la seconde option. Reste maintenant à vérifier si cette procédure de résiliation est légale.

  • La légalité de la mesure de résiliation du bail emphytéotique par l’Etat

Constatant que le contrat de bail emphytéotique qui liait la famille Damaro et l’Etat guinéen ne remplissait pas toutes les conditions requises pour sa validité, les nouvelles autorités ont décidé de résilier ledit bail. D’après les informations qui nous sont parvenues, la résiliation a été prononcée le dimanche 07 novembre et il y a eu une sommation de quitter immédiatement les lieux. Or, le contrat de bail emphytéotique avait prévu une procédure de rupture du contrat. Il y a d’abord une procédure d’arrangement à l’amiable qui est prévue à l’article 12 de la convention de bail emphytéotique.

A notre connaissance, il n’y a pas eu d’arrangement à l’amiable avant le prononcé de la mesure de résiliation. Aussi, l’article 4 de la convention de bail emphytéotique prévoit que le bailleur pourra faire prononcer en Justice, la résiliation du bail emphytéotique après une mise en demeure notifiée au preneur en la forme administrative.

D’après les informations, la résiliation a été prononcée par les autorités administratives et non par une décision de justice. Il en résulte que la décision de résiliation du bail emphytéotique de la famille Damaro est légale au fond, mais elle souffre d’une illégalité du point de vue procédural.

Baba Nabe

Doctorant en droit public économique

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