La question de la durée de la transition revient de plus en plus dans le débat. Il existe des partisans d’une transition « longue » et ceux d’une transition « courte ». Ces derniers estiment qu’une transition n’a pas vocation à durer en ce sens qu’elle est tout simplement destinée à poser les jalons d’un retour à l’ordre constitutionnel. Ils proposent une transition dont la durée ne peut excéder au maximum 18 ou 24 mois.
Quant aux partisans d’une transition « longue », ils font valoir que la situation que connaît le pays aujourd’hui trouve son origine dans l’échec de la tradition de 2010. La junte militaire au pouvoir devrait donc prendre son temps en tirant les leçons de cet échec pour éviter une transition précipitée ou bâclée. Ce qui sous-entend que celle de 2010 était précipitée ou bâclée.
La question qu’il faut se poser est de savoir en quoi la transition de 2010 a-t-elle été un échec.
Le Consei National de Transition de l’époque était parvenu à élaborer, conformément à la lettre de mission qu’elle avait reçue, les textes nécessaires au retour à l’ordre constitutionnel. Il s’agit de loi fondamentale et du code électoral.
Sur la base de ces deux textes majeurs, il a été organisé une élection présidentielle. Malgré les contestations liées à ce scrutin, les » perdants » avaient fini par l’accepter. La Guinée avait donc un président de la République « démocratiquement élu » pour reprendre une expression chère à certains. Le pays a connu par la suite de graves violences consécutives aux manifestations de l’opposition qui réclamait la tenue d’élections législatives. Le chapitre de la transition était censé être clos à partir de l’organisation de l’élection qui a abouti au choix du Président de la République et la mise en place de toutes les autres institutions constitutionnelles.
Le Président Alpha Condé, déclaré vainqueur du scrutin de 2010, a obtenu un second mandat en 2015. Ce devrait être son dernier mandat selon les termes de la constitution en vertu de laquelle il avait prêté serment.
Dès lors, on doit se poser une question : s’il s’en était tenu à son serment en respectant les dispositions constitutionnelles limitant le nombre de mandats, la Guinée aurait-elle connu la crise générée par le changement de constitution et le troisième mandat ?
La junte militaire qui a pris le pouvoir au mois de septembre 2021 justifie son acte, entre autres motifs, par le troisième mandat controversé de Alpha Condé.
En conséquence, le principal sinon l’unique responsable de la situation actuelle n’est autre que Alpha Condé lui-même. La transition de 2010 n’y a rien à voir à moins qu’on ne soutienne que l’échec de la transition s’explique par le fait qu’elle ait débouché sur l’élection de Alpha Condé et que c’est l’élection même de ce dernier qui serait considérée comme l’échec de la transition. Ce qui serait un argument d’une grave légèreté. Alpha Condé a été élu. Bien ou mal élu, c’est là un autre débat.
Ce qui est en cause, c’est non pas son élection, mais la gestion qu’il a faite de celle-ci. C’est ce qui a plongé le pays dans une crise qui a servi de motif apparent à des militaires de s’emparer du pouvoir.
Quelle que soit la longueur d’une transition, elle ne pourra pas empêcher un homme politique qui, une fois élu à la magistrature suprême, entreprend en violation de son serment, de poser des actes contraires à la démocratie et à l’État de droit sauf s’il se trouve en face de contre-pouvoirs très efficaces. L’un des objectifs de la transition devrait donc être le renforcement des contre-pouvoirs à même d’endiguer les velléités antidémocratiques et de personnalisation du pouvoir.
Me Mohamed Traoré