Le Conseil de l’Ordre des Avocats de Guinée suit avec un grand intérêt les derniers développements de l’actualité judiciaire en ce qui concerne notamment le traitement des dossiers impliquant certains acteurs politiques et de la société civile.
En dépit d’allégations répétées de violations de la loi et d’ingérences du politique dans le judiciaire, portées à sa connaissance par les avocats en charge de la défense de ces acteurs ainsi que les dénonciations de la presse, le Conseil de l’Ordre des Avocats a toujours choisi, nonobstant les critiques qui lui sont faites, de se tenir à équidistance des deux groupes d’avocats (partie civile et défense) intervenant dans ces procédures.
Mais force est de reconnaître qu’au-delà de la position processuelle que peut occuper un avocat dans une affaire, les avocats sont unis par un certain nombre de principes qui transcendent leurs positions dans un procès donné et qu’ils ont le devoir impérieux de défendre en toutes circonstances.
Au nombre de ces principes, figure le principe de l’indépendance de la justice qui, faut-il le rappeler, n’est pas un privilège pour le juge, mais une garantie de bonne justice. La défense de l’indépendance de la justice est une quête permanente et demeure vitale pour l’exercice voire la survie même de la profession d’avocat.
Sans une justice indépendante, la profession d’avocat est condamnée à une mort inéluctable.
C’est pourquoi, le Barreau de Guinée ne peut rester indifférent face aux menaces qui pèsent sur l’institution judiciaire.
Certains actes posés ces derniers temps par la justice guinéenne dans des dossiers concernant des acteurs politiques et de la société civile donnent l’impression que l’appareil judiciaire continue à être un instrument entre les mains des détenteurs du pouvoir politique.
Après les aveux publics faits par les magistrats au lendemain du 5 septembre 2021 relativement à leur assujettissement au pouvoir exécutif, les justiciables s’attendaient à une justice plus indépendante, plus vertueuse et plus protectrice des droits et libertés des citoyens.
Malheureusement, les mêmes pratiques continuent. La justice continue à être à la solde de l’Exécutif. Quelle que soit la pertinence des arguments des avocats, le sort des citoyens reste fortement dépendant des desideratas des autorités publiques qui deviennent la seule boussole des décisions judiciaires.
Cette situation contribue à dégrader fortement l’image de la justice et érode son capital de confiance.
Il faut relever sans équivoque que les magistrats contribuent eux- mêmes, à travers ces pratiques d’un autre âge, à faire de l’indépendance de la justice un principe vide de sens.
Faut-il rappeler, en paraphrasant, le célèbre juge Keba M’Baye, que l’on ne peut que donner au juge les moyens de son indépendance, l’indépendance quant à elle est une affaire du juge lui-même.
Le Barreau de Guinée, dans son rôle de vigie de l’Etat de droit et du respect des droits et libertés fondamentaux, en appelle au sens de responsabilité des magistrats en leur rappelant que leur fonction est un sacerdoce et exige de leur part un dépassement de soi et un courage à toute épreuve.
La magistrature ne peut rimer avec la couardise. Les magistrats ne doivent en aucun cas être des pleutres, sauf à changer de profession.
Le Barreau de Guinée est et demeure convaincu qu’une bonne des solutions aux problèmes de la Guinée relève de la justice qui doit impérativement jouer son rôle dans l’avènement d’une Guinée meilleure.
Le Barreau de Guinée rappelle que ‘’la Justice, boussole de la transition’’ ne doit pas être un vain mot. Les magistrats ont le devoir de lui donner un sens, dans l’intérêt exclusif des Guinéens.
Le Barreau de Guinée, en guise de protestation contre les dysfonctionnements relevés, déclare le lundi 15 mai 2023 journée sans audience.
Je vous remercie
Conakry le, 11 mai 2023
LE BATONNIER
Mamadou Souaré DIOP